Un acteur engagé au-delà de ses restaurants

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Comme pour nombre d’acteurs des filières alimentaires, le confinement a été un moment particulièrement intense, perturbant, interrogateur, porteur aussi d’issues nouvelles au devenir encore incertain. Un moment aussi pour réaffirmer sa culture d’entreprise, comme en témoigne Jean-Philippe Thévenet, directeur du pôle achats alimentaires à la direction des achats France du groupe Sodexo.

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Quelle problématique le confinement a-t-il induit pour Sodexo en France ?

Nous avons eu à gérer une situation très contrastée : d’une part, certains sites, hôpitaux, cliniques, résidences pour personnes âgées, administrations étatiques… se sont retrouvés sous très forte tension quand d’autres, crèches, établissements scolaires, entreprises… voyaient leur activité fortement réduite, voire totalement interrompue. Nous avons dû en urgence identifier les risques critiques sur notre supply chain, vérifier la disponibilité des produits, mettre en place un plan de continuité de l’activité et adapter nos process QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) au nouveau contexte sanitaire afin de garantir la protection de nos collaborateurs et de nos convives. Cela impliquait notamment de renforcer nos procédures de nettoyage et de désinfection, de revoir nos process de réception produits… En interne, l’élan de solidarité entre nos sites a permis de réaffecter quelque 1 300 personnes vers les sites les plus sollicités, principalement des sites éducation vers les sites hospitaliers. En parallèle, nous avons organisé des dons alimentaires, dont plus de 40 tonnes de fruits et légumes frais, pour les personnels de santé et les associations humanitaires. Il a fallu également ajuster les menus suite à la réduction voire l’arrêt de certaines gammes, comme la fraîche découpe, et aux tensions sur certains approvisionnements. Nos clients ont été compréhensifs sur les ajustements nécessaires par rapport au contexte et nous ont soutenu dans ces démarches. Cette crise a enfin été un test pour la fiabilité de nos process et la sécurité de notre système d’information : nous avons pu prendre des décisions et mettre en place des solutions rapides de manière sécurisée.

Comment votre stratégie d’approvisionnement a-t-elle amorti ces perturbations ?

Nous avons dû réorganiser nos différents circuits d’approvisionnement, notamment en fruits et légumes, ce qui impliquait de revoir nos plans de tournées, en lien naturellement avec la disponibilité de nos distributeurs, tout en respectant nos exigences de fraîcheur. Nous avons tout particulièrement veillé à sécuriser les délais de paiement de nos fournisseurs en cette période très sensible. Sur le fond, nous sommes restés fidèles aux relations fournisseurs établies dans la durée. Si certains fournisseurs ont pu efficacement rediriger leur flux vers la grande distribution, d’autres au contraire ont vu leurs stocks dangereusement s’accumuler, alors que nos cuisines ne pouvaient plus absorber les produits habituellement commandés. Cela nous a amenés à élaborer différents types de solutions innovantes pour les accompagner. Ainsi, en Île-de-France, nous avons développé avec les municipalités d’Antony et de Paris XVIIIe une offre de paniers solidaires de fruits et légumes pour les familles fragilisées de leurs communes. Cela nous a permis de commercialiser les carottes et pommes de terre bio locales de notre partenaire Sicoop Île-de-France qui recherchait des débouchés. Dans le même esprit, pour éviter la perte d’un stock de pommes quand l’activité s’est brutalement arrêtée, nous avons organisé avec Vergers Lyonnais la transformation de leurs pommes en purées de fruits, qui seront utilisées à la reprise. Ces exemples illustrent notre approche d’accompagnement de nos fournisseurs à long terme et de soutien aux filières locales.

Justement, on parle beaucoup de local en ce moment : comment le vivez-vous ?

En effet, la crise a mis en exergue l’origine France et même locale de l’alimentation. Ces achats sont au cœur de notre stratégie depuis des années : nous avons établi un réseau de 9 responsables d’achat régionaux, ce qui nous confère un puissant ancrage territorial. En fruits et légumes, nous développons des engagements tripartites en volume et dans la durée qui donnent une vraie visibilité aux producteurs. Cela nous permet notamment de répondre à la demande clients pour des produits locaux ou sous signe officiel de qualité et d’accompagner la relocalisation de la production sur le long terme. Nous nous efforçons constamment d’augmenter le poids des fruits et légumes locaux dans nos approvisionnements et développons des opérations de mise en avant. Ainsi, ce mois-ci, sur l’ensemble de nos sites, 100 % de nos salades batavia sont issues d’approvisionnement local. Nous avons mis en place les partenariats, les structures permettant de répondre à des besoins croissants. Cette crise confirme en effet l’intérêt des consommateurs pour les produits locaux et nous conforte dans notre stratégie.

Comment compenser la fermeture de nombreux points de restauration ?

L’impact de la crise sur nos activités est très élevé, mais, en tant que leader mondial des services de qualité de vie, nous avons mis à profit notre expérience dans nos différents métiers pour adapter rapidement nos offres et services, sur ou hors du lieu de travail, en intégrant les nouvelles exigences de sécurité. Notre priorité a été que nos sites de restauration puissent rouvrir, à la date souhaitée par nos clients, dans de parfaites conditions de sécurité pour les collaborateurs et les convives. Et nous notons déjà le succès d’offres comme le « click & collect » pour les salariés dans les entreprises ou les administrations. Mais nous avons aussi travaillé pour proposer de nouvelles offres de repas livrés à domicile.  Ainsi, en complément de notre offre Food Chéri, nous venons de lancer fin avril une nouvelle offre nommée « Prêt à partager » qui propose une gamme de plats familiaux et de produits locaux, cuisinés par nos équipes et livrés à domicile par Uber Eats, sur Lyon et Paris. L’important est de pouvoir adresser les nouveaux besoins de nos convives, en restant fidèles à nos valeurs de qualité et de sécurité, et avec l’espoir que plusieurs des nouvelles offres mises en œuvre pendant cette crise sanitaire deviennent des succès pérennes. Cette situation de crise nous a permis d’inventer des formes de coopération innovantes, de plus en plus résilientes, avec l’agilité des circuits courts de proximité.