La Biélorussie stoppe les produits agroalimentaires

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En réponse aux dernières sanctions internationales, le Bélarus a décrété l’arrêt d’importations de produits alimentaires au 1er janvier 2022.

La Biélorussie (ou le Bélarus) a posé un embargo sur l’importation des produits alimentaires, en particulier de viandes, produits laitiers, confiseries, fruits et légumes originaires* de l’UE, Royaume-Uni, Norvège, Islande, Suisse, Macédoine du Nord, Albanie, USA et Canada. Ces nouvelles restrictions au commerce international affecteront les flux de près de 400 000 t de fruits, légumes et pommes de terre entre l’UE et ce pays**. Ces mesures priveront aussi le Bélarus de son activité de (ré)exportation, en particulier vers la Russie, donc d’une manne financière non négligeable, et certainement d’une partie essentielle de la couverture alimentaire de sa propre population.    

D’après Eurostat, les ventes de l’UE-27 vers le Bélarus, après avoir « explosé » au lendemain de l’embargo russe en 2014, ont reculé ensuite régulièrement. Les exportations de fruits et légumes frais ont baissé significativement de 1 170 kt en 2016 à 413 kt en 2020. Toutes provenances confondues, la Pologne, premier fournisseur en fruits et légumes du Bélarus depuis de nombreuses années, est à ce titre le principal pays concerné par cet embargo, devant l’Espagne, la Belgique, les Pays-Bas et la Lituanie, en raison de son activité de transit et de réexportation. La Pologne y exportait une grande diversité de fruits et légumes, partiellement réexportés, tels les agrumes, fruits à noyau, bananes, poires, kiwis, kakis… mais principalement des espèces issues de sa production propre comme les pommes, les petits fruits et une large gamme légumière (tomates, choux, oignons, salades). L’embargo russe avait été un premier coup dur pour les filières polonaises, mais la poursuite des ventes vers le Bélarus avait constitué un amortisseur opportun. La pomme, principale espèce concernée, a encore représenté 46 % (121 544 t) des tonnages totaux de fruits et légumes frais exportés (262 433 t) en 2020 vers cette destination. Si les pommes européennes proviennent essentiellement de Pologne, les poires (111 500 t exportées par l’UE-27 vers le Bélarus) sont d’origines belges et néerlandaises et transitent par la Pologne (87 000 t) et la Lituanie (17 000 t). La Lituanie a fait transiter vers le Bélarus en 2020 quelque 108 200 t de fruits et légumes (tempérés, agrumes, bananes, tropicaux), d’après Eurostat. Si l’Espagne figure bien au 3e rang des pays d’origine des fruits et légumes importés par le Bélarus (56 200 t), elle n’apparaît pas dans les statistiques des ventes directes à ce pays. La nature et les tonnages des produits réexportés par la Pologne et la Lituanie indiquent assez clairement les voies du transit empruntées par les produits ibériques. La Grèce (11 700 t) et l’Italie (9 600 t) figuraient respectivement au 10e et 14e rang des fournisseurs du Bélarus en 2020.

La décision de Minsk d’interdire les importations de produits UE-européens aura pour effet de fermer un débouché de 400 000 t de fruits et légumes pour les filières occidentales, mais également de verrouiller un corridor d’entrée de produits sous embargo vers le marché russe après des années de « tolérance implicite » de la part des services du tsar. La Turquie, tout comme les pays de la CEI, profiteront certainement pour quelque temps de l’aubaine à combler commercialement le vide ciblé, et la Russie aura renforcé encore son protectionnisme extérieur.

* Originaires, c’est-à-dire produits dans ces pays et non pas provenant de (et/ou transitant par) comme reflété par les déclarations et statistiques douanières (Eurostat et douanes bélarusses).

** Les différences statistiques entre les flux d’importations bélarusses avec ceux des exportations des pays de l’UE vers le Bélarus sont très importantes et laissent planer un degré élevé d’interprétation sur la provenance des produits, notamment à l’égard du principal destinataire des F&L réexportés par le Bélarus, à savoir la Russie.