Mobilisation de la filière petits fruits rouges

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    Le CTIFL organisait le 27 septembre à Laon une journée nationale consacrée aux petits fruits rouges. Un moment d’échange et de transfert de connaissance vers les professionnels pour répondre aux nombreux défis de la filière.

    © végétable

    « C’est une filière en plein essor et le CTIFL est pleinement investi dans son succès », a déclaré Thierry Genter, directeur de la station expérimentale de La Morinière, en introduction. Après une dernière édition en 2018 dans les Monts du Lyonnais, cette nouvelle journée nationale petits fruits rouges était organisée par le CTIFL à Laon, avec le support de Fruits Rouges & Co., opérateur local leader sur le marché. 280 producteurs et partenaires des filières framboise, myrtille, mûre, cassis et groseille se sont déplacés dans l’Aisne pour l’occasion. Le programme orchestré par Anne Duval-Chaboussou, ingénieur CTIFL responsable nationale filière petits fruits rouges, s’est montré riche, avec de nombreux spécialistes venus présenter leurs dernières expérimentations en France et en Europe.

    Des résultats très attendus dans un contexte compliqué pour la filière. Le changement climatique – avant la sécheresse de 2022, le gel 2021 avait eu un fort impact sur les cultures de cassis et groseille –, la pression croissante des ravageurs et de plus en plus de restrictions phytosanitaires obligent les professionnels à revoir leurs pratiques culturales et innover pour rester compétitifs.

    Les chercheurs ont partagé les résultats de leurs expérimentations pour améliorer la compétitivité de la filière. © végétable

    Difficile de résumer en quelques lignes toutes les présentations de cette journée très dense. Dans un premier volet dédié à la sélection variétale, les sociétés Berryplant, Marionnet Label et le James Hutton Institute ont présenté les différentes nouveautés retenues pour leur qualités gustatives et leur capacité à s’adapter au climat. Citons également les premiers résultats du projet Insolagrin mené par Agroscope. L’ombrage des panneaux photovoltaïques limite l’impact des vagues de chaleur sur les cultures de framboise, en atténuant les baisses de calibre et perte de qualité, mais aussi en améliorant le confort des cueilleurs en période de canicule. Sans impact sur la qualité sensorielle. Mais… la récolte est retardée de 7 jours et le rendement réduit de 18 % sous panneaux photovoltaïques par rapport à une couverture plastique. Les chercheurs ont néanmoins noté une baisse de la consommation d’eau et d’intrants, qui peut être intéressante compte tenu de l’inflation. Ces essais doivent être poursuivis sur des installations pilotes de plus grande taille et étendus aux cultures de myrtille.

    Autre défi de taille : l’effondrement des populations de pollinisateurs. « On l’estime à – 99 % en 37 ans sur les cultures de cassis en Bourgogne. En milieu agricole c’est tout à fait réaliste, puisqu’on constate jusqu’à 75 % de perte de biodiversité en milieu naturel protégé », a expliqué Marie-Charlotte Anstett, agroécologue au CNRS. « Et cela explique en partie l’énorme perte de potentiel de récolte en cassis. » Un essai réalisé en 2020 en Bourgogne en présence de ruches de bourdons sous filet dans des cultures de cassis a permis de produire deux fois plus de fruits et une récolte multipliée par 3,5. Problème : les bourdons ne sont pas très friands du cassis et s’échappent vers des cultures voisines plus attirantes. L’équipe a donc réalisé de nouveaux essais « sans filet » avec des osmies et ont constaté une augmentation prometteuse des rendements (autour de 40 %). À court terme, la chercheuse recommande donc d’acheter des cocons et des nids d’osmies, qui peuvent ensuite être élevés. Et à long terme, de restaurer la végétation grâce à des bandes fleuries, si possible des mélanges de plantes spécifiquement choisies pour favoriser les pollinisateurs sauvages, généralement plus efficaces.

    En toile de fond de cette journée planait l’enjeu de développer l’offre française en petits fruits rouges face à une consommation qui explose ces dernières années. « La concurrence dans les pays voisins s’est beaucoup développée. Elle représente un gros enjeu pour nous tous, car les clients sont très demandeurs de l’origine France », a rappelé Sylvie Catelain, PDG de Fruits Rouges & Co. L’Espagne est devenu le premier producteur européen de framboise pour le marché du frais, en multipliant par cinq sa production en dix ans. « Quelques origines se développent plus fortement, le Maroc, le Pérou, le Chili et le Portugal. Et nous surveillons désormais l’Afrique du Sud, très présent en myrtille de septembre à décembre », a pointé Matthieu Serrurier, expert économique au CTIFL. « Notre filière framboise est sous-alimentée, nous recherchons de la jeunesse dans le métier pour pouvoir suivre nos clients », a martelé Frank Figuet, président de l’AVFF (Association pour la valorisation de la framboise française). Il participait à la table ronde organisée en fin de journée aux côtés de cinq autres représentants de la filière afin de proposer des leviers pour développer et structurer l’offre française. Au-delà de la revalorisation des produits, indispensable au maintien des exploitations en place et à l’installation de nouveaux producteurs, les intervenants ont soulevé la nécessité de mieux anticiper les volumes via une meilleure organisation de la filière. « Nous avons besoin de visibilité, pour faire preuve de réactivité et pouvoir absorber les à-coups de production », a déclaré Laurent Dorflinger, directeur national des achats fruits et légumes de Lidl. Plus de communication entre amont et aval donc. Mais aussi tendre vers des engagements contractuels avec un prix de campagne et soutenir ensemble la recherche variétale pour que la production française garde une longueur d’avance au niveau gustatif, avec des variétés productives et robustes.

    280 personnes ont participé à la journée nationale petits fruits rouges organisée par le CTIFL à Laon (02) le 27 septembre. © végétable