L’état des lieux du glyphosate

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    Dans le cadre de son plan d’action global pour la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, le gouvernement a confirmé le plan de sortie du glyphosate d’ici fin 2020. Les données publiques insuffisantes ont conduit le CTIFL à dresser un état des lieux technico-économique sur le retrait du glyphosate en production fruitière en France.

    Fin mai dernier, le CTIFL a réalisé un état des lieux détaillé des pratiques de désherbage, par espèce et sur l’ensemble du territoire, afin de mesurer les enjeux liés à la mise en pratique d’alternatives à l’usage du glyphosate. Celui-ci est utilisé en cultures fruitières comme en cultures légumières, dans un grand nombre de situations différentes. La difficulté d’analyse vient du peu de références disponibles pour aborder la diversité des situations rencontrées. Cette enquête du CTIFL auprès des producteurs a été réalisée en ligne en 2019, pour chacune des filières de production fruitière (arboriculture, petits fruits, raisin de table). En surfaces, les 959 exploitations ayant répondu totalisent 19 938 hectares en production fruitière, soit 12,1 % du verger France. L’échantillon comprend 65 % de vergers en PFI, 25 % de vergers bio ou en conversion et 10 % de vergers mixtes (PFI et AB).

    © CTIFL

    Le désherbage des cultures fruitières est une condition essentielle de leur compétitivité. Sans un contrôle efficace des adventices, celles-ci se développent au détriment de la croissance des arbres, avec une conséquence directe sur les rendements et leur régularité. Chez les professionnels ayant recours au désherbage avec des produits phytosanitaires, le glyphosate est très fréquemment utilisé, à 98 %, en raison de son efficacité sur un large panel d’adventices et de sa souplesse d’utilisation. Cependant, les interrangs des plantations étant le plus souvent laissés enherbés, les applications d’herbicides s’effectuent de façon ciblée : uniquement sur 25 à 50 % des surfaces cultivées. L’enquête montre aussi que les vergers en PFI sont déjà largement engagés vers des pratiques de réduction de l’utilisation des herbicides : 20 % des exploitations intègrent déjà des méthodes alternatives dans leurs stratégies de désherbage. Parmi le large panel de méthodes alternatives existantes, deux sont largement utilisées par les exploitations enquêtées : la tonte de la ligne de plantation et le travail mécanique du sol.

    Mais ces méthodes alternatives ne sont pas sans conséquence sur les performances de production. L’impact sur les systèmes racinaires des arbres du désherbage par travail du sol se traduit, à minima, par une perte de rendements transitoire de 10 % sur les trois années suivant l’adoption de cette pratique. A titre d’exemple, en intégrant une valorisation moyenne des productions, ces pertes pourraient se situer dans une fourchette de 1 840 €/ha (10 % de pertes) à 3 680 €/ha (20 % de pertes) pour la pomme. Ces méthodes alternatives entraînent une augmentation des charges de production qui peut aller de + 62 €/ha/an à + 206 €/ha /an pour la méthode de tonte des rangs de plantation et de + 193 €/ha/an à + 470 €/ha /an pour la méthode de désherbage par travail mécanique du sol. Ces méthodes ne sont pas techniquement applicables pour certaines filières. Elles présentent un risque prévisible de favoriser l’installation et l’extension de foyers d’adventices et de nuisibles particulièrement indésirables dans certaines cultures fruitières.

    Cette étude documente bien la complexité des situations et objective le fait qu’une adoption généralisée des méthodes alternatives aura nécessairement un impact agronomique, mais surtout économique pour les exploitations fruitières en France. Le surcoût engendré et les conséquences dépendent des espèces et des conditions de culture (par exemple, la culture sur butte ou en pentes raides sont plus difficiles), et peuvent, dans certains cas, menacer la viabilité de filières ou de territoires de productions spécifiques. La disponibilité en matériels adaptés et en main d’œuvre qualifiée (tractoristes, ouvriers qui acceptent d’exécuter le désherbage manuel notamment) sont deux freins soulignés par cette étude. Au final, l’enjeu se situe dans de nouveaux équilibres technico-économiques à construire. Si certains s’y sont déjà préparés, pour d’autres, l’échéance fin 2020 sera difficile à passer.