Le séminaire Agrotic s’intéresse au rôle du numérique pour les enjeux de biodiversité

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    Cette année, la chaire Agrotic organisait à Bordeaux une journée sur le rôle du numérique dans le suivi et la préservation de la biodiversité terrestre sur les exploitations agricoles.

    séminaire Agrotic
    © DR

    Le séminaire du 12 décembre 2023, animé par Pierre Compère, a commencé par quelques rappels sur les enjeux de biodiversité, qu’elle soit interspécifique, spécifique (incluant les adventices, les bioagresseurs et les espèces utiles comme les pollinisateurs), ou sur la diversité des habitats. Cette biodiversité est incontestablement menacée, le déclin d’espèces emblématiques associées au paysage agricole en témoigne.

    Au niveau systémique, différents facteurs se cumulent : simplification des paysages, augmentation de la taille des parcelles, mécanisation et effets reconnus ou potentiels des intrants. Dans ce contexte, les applications numériques apportent différents services aux techniciens, chercheurs et aux agriculteurs eux-mêmes. Ils rendent par exemple accessible l’identification de la biodiversité, jusque-là réservée aux experts, grâce aux outils d’intelligence artificielle, qui permettent de caractériser plus facilement les adventices et ravageurs. Ils permettent également le pilotage et la surveillance de l’activité des ruches ou du suivi des populations de ravageurs et auxiliaires grâce à des pièges connectés, pour un gain de temps par rapport aux relevés manuels.

    Les divers outils numériques permettent également d’automatiser et d’accélérer les flux de données, grâce au traitement d’images satellite pour cartographier des éléments du paysage et surveiller l’implantation de haies comme le propose l’entreprise Geosys, qui promet une meilleure résolution spatiotemporelle grâce au lancement d’une nouvelle constellation de dix satellites en 2024.

    L’accent sur les sciences participatives

    Le séminaire a également mis l’accent sur les sciences participatives, car « le numérique ce sont aussi les réseaux sociaux, qui rapprochent des communautés d’autoapprenants » a déclaré Céline Pelletier, ingénieur chef de projet informatique au Muséum national d’histoire naturelle. « Ces outils servent à l’agriculteur lui-même, mais la collecte de ces observations terrains en masse intéresse aussi la recherche pour mieux comprendre les interactions entre les activités anthropiques et la nature. »

    L’intérêt des sciences participatives a été illustré par la présentation du programme « CAP VitiChirAux » autour du rôle des chauve-souris contre les ravageurs de la vigne.

    Yohan Charbonnier, responsable de projet à la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) a décrit le déroulement d’une expérience de collecte des données pour le suivi et l’identification des chauves-souris en lien avec les aménagements paysagers sur parcelles dans une dizaine d’exploitations viticoles en Gironde. Huit tablettes équipées de détecteurs et d’une appli dédiée ont permis de transcrire en son audible, de localiser et d’identifier les chiroptères présents.

    « Après 238 heures d’écoute et 637 km parcourus de nuit dans les parcelles, nous avons enregistré 25 000 contacts de chauve-souris, de différentes espèces dont la Grande Noctule, espèce protégée de 45 cm d’envergure. » Ces contacts étaient plus fréquents à proximité des lisières forestières, des bâtis et des haies.

    « L’intérêt est de sensibiliser les collaborateurs, les élèves et de réfléchir à l’impact de l’aménagement des bâtiments. Par exemple la rénovation d’une toiture en vue d’une isolation thermique peut avoir un effet délétère sur la population de chiroptères qui y nichent. »

    Pour les viticulteurs, cela offre une « meilleure connaissance de la biodiversité sur son exploitation, un temps de partage avec les collègues, et cela peut faire l’objet d’une meilleure cohésion d’équipe et pourquoi pas être proposé dans le cadre de l’œnotourisme en mobilisant les visiteurs pour arpenter les parcelles de façon ludique », a témoigné Miguel Aguirre, directeur d’exploitation au Château La Tour Blanche. « Le bilan de cette expérience sensible est enthousiasmant, cela montre la complexité des choix d’aménagements agroécologiques et des arbitrages pour les itinéraires techniques », a indiqué Yohan Charbonnier.