La pomme de terre aliment « refuge » en temps de crise

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Dès le début de la crise, les consommateurs ont plébiscité la pomme de terre. La filière fait face avec succès à un puissant choc de demandes, en veillant à préserver à tous prix ses acquis qualitatifs. Entretien avec Florence Rossillion, déléguée générale du CNIPT.

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Comment a évolué la demande de pommes de terre au cours des derniers mois ? Nous observions une légère contraction des achats depuis le mois de novembre, qui a persisté jusqu’au cours du mois de février. En revanche, dès que la population a senti monter la perspective d’une épidémie, les achats ont grimpé très fort jusqu’à une multiplication par 3 ou 4 au début de la période de confinement. Les choses se sont stabilisées depuis, mais nous restons à des niveaux d’écoulement qui restent importants.

Comment la filière a-t-elle géré cette demande inopinée ?

La filière pomme de terre s’est très fortement mobilisée, même si les conditionneurs ont naturellement eu à gérer une part d’absentéisme du personnel, résultant notamment des contraintes de gardes d’enfants. Les opérateurs ont été très réactifs pour mettre en place les mesures sanitaires indispensables pour sécuriser leurs collaborateurs à leur poste de travail et nous les avons naturellement accompagnés dans ce sens. Les volumes en stock étaient disponibles et d’un niveau qualitatif tout à fait satisfaisant. Les négociants ont pu convenir  avec l’aval de la nécessité de rationnaliser les gammes pour concentrer les capacités de fabrication. Tout le monde y a mis du sien et la filière a fait face.

Comment ont évolué les prix face à cette demande massive ?

En achetant massivement des pommes de terre, les consommateurs ont plébiscité un produit de base permettant l’élaboration de nombreuses recettes, accessible pour un tarif abordable. Nous avons donc pris collectivement la décision que la filière pommes de terre pourrait faire la une pour son sens des responsabilités et son organisation et non pour son opportunisme. Il y a donc eu une véritable concertation au sein de la filière pour maîtriser l’évolution des cours. En revanche, le cours des pommes de terre pourrait désormais connaître quelques tensions, non pas du fait de la filière, mais plutôt de problématiques logistiques, comme le manque d’emballages en provenance d’Italie, le déficit d’offre de transport, ou encore l’inflation tarifaire dans ce secteur.

Aurez-vous les volumes pour continuer à assurer l’approvisionnement au cours du confinement ?

Les pommes de terre ont effectivement été déstockées de manière accélérée depuis quelques semaines, mais nous n’allons pas en manquer, d’autant qu’une partie des stocks destinés à l’industrie pourrait s’écouler en frais, à la condition expresse qu’elle se conforme à nos cahiers des charges qualitatifs, car il est pour nous hors de question de transiger sur la qualité.

Alors tout va bien ?

À court terme, la filière assure sa mission d’approvisionner la population à des coûts maîtrisés en relevant un certain nombre de défis humains. Pour autant, nous avons nos préoccupations. La pomme de terre d’industrie est à la peine et des solutions de stockage prolongé sont en négociation avec les pouvoirs publics concernant le recours au CIPC. Des reports de fabrication sont aussi à l’étude. Nous avons également quelques interrogations sur la campagne de pommes de terre primeurs qui pourrait souffrir de la fermeture des marchés alors que les circuits du commerce de détail sont importants pour son bon écoulement. Nous avons pu résoudre les craintes concernant l’approvisionnement en semences, en mettant en avant qu’il fallait bien semer pour pouvoir récolter cet automne. En définitive, tout est fait pour préserver un produit aussi essentiel dans ces circonstances de crise et la filière peut en être félicitée.