Créer de la valeur dans l’entreprise

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    Pour ses trente ans, le cabinet de conseil en stratégie Optimes a convié sociologue, agroéconomiste, experts-comptables, juristes, entrepreneurs à analyser et témoigner des spécificités et des nouvelles voies pour la création de valeur au sein des filières.

    Que l’on prenne l’angle territoires ou produits, le champ des possibles reste largement ouvert et le maître du jeu est définitivement l’humain. Certes, si le cadre juridique et administratif hexagonal est infiniment plus étroit que dans nombre d’autres pays, colbertisme persistant oblige, pour autant, la capacité des hommes à imaginer, à rebondir, à porter l’improbable est proprement sidérante ! Deux témoins nous ont particulièrement marqués, lors de la journée professionnelle du 4 mars dernier à Toulouse (organisée par Optimes à l’école d’ingénieurs de Purpan) : Alain Brumont, viticulteur dans le Madiran, et Dominique Rougeau, céréalier dans le Lauragais devenu producteur de pivoines. Alain Brumont a transformé des coteaux naguère en friche et un château en ruine en une des appellations viticoles régulièrement les mieux classées de France et du monde, avec sa seule intuition et son énergie d’entrepreneur. Quant à Dominique Rougeau, analyste émérite des marchés agricoles mondiaux, concluant qu’il n’avait aucun avenir comme producteur de céréales, il n’a pas hésité à implanter des pivoines, d’abord en plein champ, puis sous serre photovoltaïque, pour relancer la dynamique de son entreprise et la rendre transmissible… en mettant ses successeurs sur la voie de la réussite. De manière plus collective, il faut aussi rendre hommage à la Sica Bio Pays Landais qui est devenue expéditeur puis grossiste afin de valoriser la production biologique, notamment de fruits et légumes, de ses adhérents sur un ensemble de circuits, principalement régionaux, considérant que le label AB ne pourrait durablement être seul porteur de valeur ajoutée. Plus tendue est la situation de la filière lait et Serge Lagahe, éleveur, fondateur et dirigeant l’OP laitière FMB Sud Ouest, doit régulièrement ferrailler pour faire respecter le calcul contractuel du prix du lait par les laiteries contractantes…

    A rebours, les réussites de Nataïs Popcorn et encore de la SARL Roucadil, cette dernière sur un positionnement du pruneau de haute qualité, tendant de plus en plus vers l’exercice de confiserie et de chocolaterie, témoignent encore de la force de créativité d’entrepreneurs qui n’hésitent pas à défricher de nouvelles voies. Mais, une fois établie, la valeur d’une entreprise demande à être pérennisée par-delà le changement de dirigeant et de propriétaire. Et c’est un enjeu majeur du monde agricole, alors que beaucoup d’exploitants ont aujourd’hui dépassé la cinquantaine. « La transmission doit être largement anticipée de plusieurs années », estime Claude Domenget, fondateur dirigeant du cabinet Optimes. Dominique Rougeau illustre ce propos en expliquant comment il a construit sa stratégie de développement afin de mettre ses successeurs sur les rails du succès financier. « L’évaluation d’une société est un exercice extrêmement complexe », estiment de concert les experts comptables Patrice Dando et Patrice Laborde. Elle commence nécessairement par un audit exhaustif, notamment des comptes, mais, au-delà des différentes méthodes, les paramètres à prendre en compte sont très nombreux, le facteur humain n’étant pas le moindre, loin s’en faut.

    Et, justement, le fait que la succession du dirigeant ait été bien anticipée est un aspect substantiel de cette évaluation, car elle est déterminante du succès à venir de l’entreprise et de ses repreneurs. Alors, Guillaume Favoreu, consultant associé chez Optimes, explique à son tour comment il travaille à un modèle d’évaluation spécifique pour les entreprises agricoles, par-delà le modèle de la VEA (Valorisation des entreprises agricoles) qui fait actuellement référence en la matière. Me Alain Nonnon, avocat spécialiste du droit rural, s’est livré à un brillant exercice autour de la question juridique de la transmission, interrogeant notamment la pertinence de l’outil Safer, mis en place pour l’agriculture de 1962, dans le contexte économique et rural actuel… Alors, préserver et transmettre ? Non, « développer et  accompagner », préfère Edouard Duguet, en charge du marché agricole au CIC Toulouse.

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