Baromètre BPCE : moins d’utilitaire, plus de plaisir

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    L’année 2022 n’a pas été favorable aux dépenses dans l’alimentaire. Les Français ont d’autres envies et de nouveaux comportements sont en train d’émerger. Décryptage.

    Économiser sur les achats essentiels (- 10 % sur l’alimentaire) pour continuer à se faire plaisir (+ 37 % pour les restaurants) : dans le contexte inflationniste de 2022, « les Français basculent vers une approche choisie, voire réfléchie de leurs achats », explique Myriam Dassa, directrice du baromètre BPCE Digital & Payments, qui a passé à la loupe quarante secteurs d’activité en France. Une première édition en la matière, qui livre une dimension nouvelle dans le paysage de l’analyse des tendances consommateurs en France, de par la taille de l’analyse : deuxième groupe bancaire en France, BPCE finance 20 % de l’économie française, héberge 36 millions de clients pour 20 millions de cartes bancaires et 4 milliards de transactions bancaires. Des données qui ont de quoi rivaliser avec les sorties caisses analysées par chaque secteur d’activité.

    Dans le détail, « les Français ont été attentifs à leurs dépenses en 2022, en premier lieu sur l’alimentaire qui affiche la plus forte baisse parmi les secteurs analysés », confirme Myriam Dassa. Si l’alimentaire constitue toutefois la première dépense par carte des Français (13 % des dépenses totales), « nous constatons une baisse de 9 % de la dépense dans les magasins d’alimentation. Les consommateurs vont un peu moins souvent et dépensent un peu moins à chaque fois : le panier moyen est en baisse de 4 % et le nombre de transactions bancaires en recul de 5 % ».  La chute est brutale pour les enseignes de la distribution bio spécialisée, qui accusent une baisse de la consommation de 10 % en 2022 vs 2021. « Nous avons bien vu que le bio était en recul. C’est assez corrélé avec les données des magasins et nous le confirmons scientifiquement dans nos mesures. Les Français cherchent à optimiser leur budget, la consommation dite responsable ralentit », complète-t-elle.

    © DR

    Pour autant, passé les pics de la crise Covid, les Français ajustent leurs dépenses mais veulent se faire plaisir : en 2022, les sorties cinéma ont bondi de + 66 %, revenant presque à leur niveau de 2019, les agences de voyage réalisent + 18 %, les hôtels + 14 %, les compagnies aériennes + 11 % et les trains grande ligne + 9 % en 2022 vs 2019. De plus, les dépenses associées aux « petits plaisirs » résistent bien (+ 18 % sur les cosmétiques, + 16 % pour les salons de coiffure). En toile de fond, des mutations apparaissent clairement : « Le monde digital s’intensifie et impacte nos différents comportements. À notre sens, la digitalisation va continuer à se renforcer dans les années à venir », analyse Yves Tyrode, directeur général de BPCE Digital & Payments. Les montants en paiement mobile ont triplé en 2022 (même s’ils ne représentent à ce jour que 10 % des paiements totaux par carte bancaire). La restauration en ligne a été multipliée par 3,5 entre 2019 et 2021. « La tendance de commander à son meilleur restaurant et se faire livrer chez soi s’installe dans les habitudes des Français », commente Myriam Dassa. Un fait qu’analyse également le politologue Jérôme Fourquet dans l’interview du mois de notre édition de février. Tous les autres secteurs « nativement digitaux » progressent : les téléconsultations de santé ont ainsi plus que doublé entre 2019 et 2021 (+ 9 %), les sites de rencontre (+ 28 %), le streaming (+ 20 %), les jeux vidéo (+ 16 %). Les pionniers de cette transition sont les moins de 35 ans, qui réalisent un tiers de leurs dépenses en ligne (avec une influence plus marquée encore de la tranche 18-24 ans dans cet échantillon). « Ce sont les éclaireurs de nos nouvelles habitudes de consommation. Les plus jeunes dessinent et influencent toutes ces nouvelles tendances », souligne Yves Tyrode. Quant au e-commerce, s’il avait bénéficié d’une croissance exceptionnelle en 2020 et 2021 avec un bond de 36 % en deux ans, il n’affiche plus « que » 10 % en 2022, les effets de la crise sanitaire s’étant estompés. « Mais ce ralentissement est relatif : rares sont les catégories où le commerce physique a regagné du terrain, et surtout, les usages des moins de 35 ans montrent que la digitalisation se poursuit. » Un signal faible qui ne dit pas son nom.