Les grossistes au centre du jeu

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    Un sans faute, tant sur le plan de l’organisation que de la richesse des débats, pour le congrès des grossistes en fruits et légumes, réunis au sein de l’UNCGFL, à Porto au Portugal.

    congrès de l'UNCGFL à Porto
    © végétable

    « À l’image de Porto la travailleuse”, c’est parce que nous sommes de grands travailleurs que nous avons choisi de nous réunir ici, lors d’un événement que nous voulons amical et convivial », a introduit Didier Marques, président de l’UNCGFL (Union nationale du commerce de gros en fruits et légumes), ouvrant le congrès annuel du 13 au 15 octobre dernier. Point matérialisé par l’invitation à la tribune des principaux professionnels et sponsors intervenant tout au long du congrès, comme l’avènement de deux soirées festives.

    Des avancées sur les ZFE et logistique urbaine

    C’est un programme chargé et bien d’actualité qui s’est offert aux congressistes. En matière de ZFE (zones à faibles émissions) et de logistique urbaine, premier thème en débat, deux éléments essentiels sont à retenir. Premièrement, ce sujet clivant et potentiellement explosif entre municipalités, citoyens et entreprises, est désormais « sous contrôle » grâce à une institutionnalisation des concertations multi-acteurs, qui fonctionne plutôt bien (programmes Interlud vers LUD+ à l’échelon local pour la mise en place de plans de logistique durable).

    « On espère qu’à l’horizon 2030 on puisse continuer à faire circuler des véhicules Crit’air 2, sans forcément passer aux véhicules électriques ou au gaz. C’est un signal envoyé aux acteurs économiques. Mais on peut aussi s’attendre à ce que les restrictions s’accroissent : 43 agglomérations sont concernées par la mise en place des ZFE », a epxliqué Christian Rose, directeur environnement, transport et logistique de la CGF. « Nous sommes condamnés à l’approche collaborative. Nous devons aussi accompagner les collectivités dans la mise en œuvre des plans d’actions », a souligné Jean-André Lasserre, directeur du programme LUD+. L’essentiel des informations et des mises à jour en temps réel est à retrouver sur la plateforme zfe.green, destinée à la fois aux particuliers et aux professionnels, et pour tous les secteurs d’activité.

    Côté réduction des émissions et projets d’avenir, l’ensemble des acteurs y travaillent, sans solution miracle à ce jour. Les constructeurs, comme Renault Truck invité à s’exprimer en tribune, planchent sur l’après-gazoil… Force est de constater qu’une pluralité de solutions alternatives existent en théorie mais sont inopérantes à date à cause de leur coût ou de contraintes incompatibles quand un camion doit tourner 20h sur 24 (exemple de l’électrique).

    Des projets de massification/relocalisation sont également étudiés ou prêts à sortir de terre. Citons l’initiative Agroalim, hub agricole et logistique implanté dans le Val d’Oise, porté par la Semmaris, « qui permettra à la fois de relocaliser de la production dans le Nord du Val d’Oise et de réduire les flux de transport de 10 % », a projeté Frédérique Wagon, directrice exécutive en charge de l’engagement et des relations publiques au marché international de Rungis. Au final, parmi les discussions, on perçoit bien que chaque schéma est unique dans un territoire donné, et que la massification ou les réaménagements doivent être concertés.

    L’attractivité des métiers de gros, toujours un sujet

    L’enjeu ne date pas d’hier… « 75 % des entreprises de gros ont des difficultés de recrutement », a pointé Frédéric Stéfani, secrétaire général de l’UNCGFL, rappelant au passage quelques spécificités du secteur. Une des réponses viendra peut-être du diagnostic filière Fel’Compet mené par le CTIFL, dont Catherine Glémot a finalisé l’analyse*.

    « L’objectif est de voir comment on peut adapter l’offre de formation aux métiers de demain, dans une projection avec les nouveaux besoins des entreprises », a-t-elle expliqué. Entre les méandres de l’administration supportées par les OPCO (tels AKTO ici pour la branche) et la complexité de la cartographie générale de l’ensemble des métiers de la filière, nul doute qu’un travail de lisibilité des formations comme des métiers est à défricher.

    « Ce diagnostic est le point de départ, nous sommes conscients que tout reste à construire. L’exemple du CAP Primeur, mis en place avec l’Éducation nationale, nous montre qu’on peut avoir des résultats, même s’il n’est pas toujours facile d’avoir des candidats en face. Nous envisageons de mettre en place un séminaire de réflexion en filière, mais rien n’empêche d’avoir une approche plus ciblée sur les métiers de gros », a complété Philippe Husson, directeur valorisation et transfert au CTIFL.

    « Nous avons les ressources techniques, avec le CTIFL, Rungis Académie, etc. Nous avons les financements en face avec AKTO. Mais je crois que notre mission est d’aller sur le terrain, de faire la promotion de nos métiers par notre marque employeur, de sortir de nos entreprises », a soutenu Philippe Bertin, directeur général d’Estivin et en charge de la commission emploi/RH à l’UNCGFL.

    Entre le soutien à la production et relais de croissance à la consommation

    Enfin, une conférence plénière autour du « grossiste, un véritable soutien de la production et relais de croissance à la consommation de fruits et légumes », animée avec brio par Nicolas Rossignol, aura permis de faire tomber les masques et d’évoquer dans un débat constructif des sujets brûlants comme la francisation, l’import vs origine France, l’été compliqué pour l’abricot français, les démarches de qualité dans la filière comme repère aux consommateurs…

    Les solutions sont déjà là : le sourcing local, qui est l’un des savoir-faire du métier, la contractualisation (exemple cité au Min de Toulouse avec un agriculteur nouvellement installé), la massification gage de performance et de qualité alimentaire…

    « Il faut savoir diversifier notre offre, amener nos produits au bon endroit et surtout échanger : quand on se comprend mieux, on va plus loin », a reconnu Jacques Rouchaussé, président de Légumes de France. « Un grand nombre de producteurs reviennent en effet vers les marchés de gros. Ici, pas de standardisation ! On sait négocier mais aussi établir des partenariats dans la durée », a clamé Christian Berthe, président du marché de gros Lyon-Corbas.

    In fine, les producteurs de fruits présents à cette occasion (filières pommes-poires et pêches-abricots de France) ont invité les grossistes à « créer la préférence positive » au travers d’un travail partenarial autour de la démarche des Vergers écoresponsables déjà bien connue des consommateurs, tout comme se concerter lors des basculements des saisons d’import vers l’origine France, notamment en abricot.

    Pas simple, quand « on n’a ni la réponse ni la baguette magique. On est en déconsommation, le patriotisme passe après le prix », a rappelé Didier Marques. Toutefois, le message a été entendu sur la nécessité d’approches collaboratives, d’engager des partenariats ou des contractualisations en logique filière.

    « Pour augmenter la consommation, il me semble qu’un grossiste doit faire du B to B to C, c’est-à-dire s’intéresser au service qu’il peut apporter au client. Être en capacité de se mettre autour d’une table pour définir ce qu’on fait ensemble, en tripartite. C’est une bonne façon d’aborder les rapports, ne plus travailler en solo. Dans d’autres professions, il y a plus d’échanges de data et de construction quotidienne », a recommandé Philippe Barbier, président de la CGF. FR

    • * Relire notre article consacré aux ressources humaines, où les enjeux de cette étude étaient pointés dans notre édition de mars 2022, végétable n°397.
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