Les producteurs de fruits réunis en congrès à Valence, dans la Drôme, ont présenté une cartographie des risques inédite, pointant ce qui les préoccupent le plus, pour mieux débattre des réponses possibles.
Le soulagement d’un congrès ayant rassemblé au-delà des seuls producteurs de fruits était palpable, les 16 et 17 février dernier, lors du 75e congrès de la FNP Fruits à Valence. Tout un symbole pour ce département majoritairement arboricole, très impacté par le dernier gel de printemps, mais dont les responsables locaux ont su s’illustrer au niveau national dans la recherche de solutions financières, pour venir en aide à la profession tout entière.
Après une année 2021 qui restera dans les annales en termes de crises (sanitaire, climatique au premier plan), le syndicat a présenté le fruit d’une étude, qualifiée d’inédite, réalisée en partenariat avec le cabinet Marsh spécialisé dans la gestion des risques. L’objectif était d’avoir une vision globale des risques assurables sur les activités de la filière, d’en dresser une cartographie exhaustive à partir de l’expression des adhérents de la FNP Fruits, interrogés par sondage et entretiens, et de sensibiliser les producteurs au renforcement de la gestion de leurs risques.
Des fiches synthétiques de garanties sur le degré d’assurabilité des risques ont été créées pour les vingt-deux risques majeurs recensés (dont un univers de douze « grands risques »). Il en ressort que le top 3 des grands risques se concentre sur les catégories « réglementaire/juridique », le « sanitaire » (suppression de molécules phytos, avec à court terme peu ou pas de solutions alternatives identifiées), « l’humain » (nombreux sous-enjeux identifiés tels que les risques psycho-sociaux, les maladies professionnelles, le manque de main d’œuvre, la transmission des entreprises, l’équilibre vie professionnelle/vie privée, la formation, la perte de compétences). D’autres facteurs n’ont pas été occultés : les événements météorologiques extrêmes, la maîtrise des évolutions technologiques et numériques ou la capacité à répondre aux attentes diverses des consommateurs. Sur ces vingt-deux risques majeurs identifiés à l’échelle de l’ensemble des filières et bassins de production, « plus de 60 % sont assurables ou partiellement assurables », a annoncé Stéphanie Prat, directrice de la FNP Fruits. Pour le reste des risques identifiés, des moyens et des pistes d’action ont été recensés, dans une démarche d’anticipation et de prévention.
C’est fort de cette cartographie qu’un débat s’est enclenché autour de personnalités agissantes. « Nous sommes conscients du risque, mais nous ne réagissons pas tous en même temps et de manière coordonnée. Nous sommes encore trop souvent sur des choix de court terme et de façon individuelle. L’aspect humain n’est pas encore bien appréhendé. Cette cartographie a le mérite de présenter une démarche globale, de nous aider à anticiper pour le futur. C’est épuisant mais excitant », a souligné Bruno Darnaud, administrateur en charge de la gestion des risques. Audrey Bourelleau, confondatrice du campus Hectar financé par Xavier Niel, a apporté des clés de solutions décoiffantes par rapport à l’existant : ici, les formations permettent avant tout de sécuriser les business plans de « publics éloignés de l’agriculture pour 80 % des profils » et de laisser la technique aux écoles d’agro classiques « qui savent mieux le faire que nous ». « La prochaine révolution à mener est celle du management et de la gestion du risque humain », a témoigné Audrey Bourolleau, qui place le coaching et le mentoring au cœur des pédagogies, pour « sécuriser les modèles ». En somme, un projet destiné à combler ce que le monde agricole peine encore à appréhender. L’ « agri youtubeurre » Étienne Fourmont, éleveur, fort de 94 000 followers sur Youtube et 26 000 sur Twitter, a démontré comment les réseaux sociaux bien utilisés permettent de valoriser les métiers de l’agriculture, de combattre les idées reçues, et peut-être de susciter des vocations de ces publics éloignés. L’agro-climatologue Serge Zaka a rappelé quelques faits majeurs, à commencer par l’intensification du risque de + 60 % concernant les épisodes de gel printannier et de canicules plus longues et plus fortes d’ici à 2050 (risque cinq fois plus élevé). Un tiers de la France est par ailleurs déjà soumis à une « sécheresse majeure ». « On est dans l’inconnu. Toute la question est de déterminer l’impact sur l’économie des productions pour pouvoir agir. » Le député Frédéric Descrozaille en charge de la réforme de l’assurance récolte, en a rappelé le sens (voir végétable n°392, octobre 2021, p.13), tout en reconnaissant qu’elle ne sera pas « miraculeuse » : « L’enjeu est de faire en sorte que les formules assurantielles deviennent abordables et rassurantes pour le producteur. »
En synthèse à l’ensemble des travaux, la présidente de la FNP Fruits Françoise Roch, déterminée dans son combat pour que les arboriculteurs se prennent en main face aux risques, et éminemment fédératrice dans la méthode, a interpellé les personnalités politiques, en appelant de ses vœux à « redonner de la visibilité ». « Bien sûr que nous ne voulons pas de plastique, pas de phytos : mais comment ? Nous investissons pour vingt, trente ans en cultures pérennes. Toutes ces lois, ces décrets, cette surtransposition française nous font perdre de la visibilité. Nous mélangeons le risque – qui se calcule – et le danger. Le problème est dans le “tout, tout de suite et maintenant“. » Au nom de la profession, elle appelle à revenir à du pragmatisme, de réfléchir sur les pas de temps de chaque décision.
En 2021, la FNP Fruits a pu se faire entendre sur le plan pollinisateur, « après un premier jet élaboré par le gouvernement sans aucune concertation ». Et l’appel de « réussir à se faire entendre » avec une « profession réunie » a tenu ses promesses lors de ce congrès.