Des vergers protégés pour l’avenir de la cerise française

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    Les professionnels de la filière cerise se sont retrouvés le 23 mars au CTIFL de Balandran pour discuter de l’avenir de la production française et de sa valorisation sur un marché chahuté par différentes crises.

    © Outdoor

    Pour continuer à consommer de la cerise de qualité demain, l’ensemble des données et des discussions convergent unanimement vers le nécessaire passage obligé de la protection des vergers. Telle est l’idée principale qui émane de la journée nationale cerise organisée par le CTIFL sur son site de Balandran, à Bellegarde, le 23 mars dernier, ayant réuni une large partie de la profession. « Il y a de l’avenir pour la cerise, mais pour motiver et accompagner les producteurs, nous avons besoin de plus de perspectives, avec l’espoir d’un engagement financier État-régions plus fort », a conclu Jean-Christophe Neyron, producteur dans le Vaucluse et président de l’AOP Cerises de France. Cet impératif dessine la transformation de la filière dans les années à venir : certainement moins de producteurs mais plus spécialisés et en capacité d’investir – rappelons les 100 000 €/ha que nécessite un verger protégé contre les aléas climatiques et les ravageurs – et des entreprises de commercialisation et de distribution agiles, qui sauront démarrer et terminer une saison de haute intensité.

    Les temps sont difficiles pour ce produit éminemment saisonnier, qui subit plusieurs aléas de plein fouet : climatique, avec un épisode sévère en 2021 ayant sensiblement influencé l’offre et donc la consommation ; sanitaire, avec la suppression successive de molécules actives depuis 2015 face à la recrudescence de certains ravageurs, parmi lesquels Drosophila suzukii ; concurrentiel, avec la pression de grands pays producteurs qui frappent aux portes de notre marché domestique. L’ingénieure du CTIFL Amandine Boubennec a présenté une synthèse complète et implacable du changement climatique, où l’on voit un infléchissement net de la hausse des températures depuis les années 80, ainsi que la multiplication de phénomènes climatiques extrêmes que subissent en premier lieu les producteurs. Les cerisiers sont impactés, entre des avancées de floraison et de maturité, qui peuvent varier selon les secteurs géographiques, augmentant les risques de gel printanier et de non concordance des floraisons (désynchronisation des pollinisateurs) pouvant modifier ou échelonner les maturités. D’autre part, les épisodes de canicule augmentent la survenue de fruits doubles et stressent les arbres, provoquant un affaiblissement global, jusqu’aux baisses de rendement. Les présentations de chercheurs, comme José Quero Garcia qui travaille sur l’amélioration variétale à l’Inrae, montrent combien le temps de réponse génétique est long comparativement à la violence et la recrudescence de ces aléas. Pour autant, il s’active et se structure. D’un point de vue appliqué, la première mission du réseau européen Eufrin est de constituer un pool de partenaires pour l’évaluation de nouvelles variétés et hybrides prometteurs, y compris les porte-greffes du cerisier, impliquant 17 pays et 21 stations expérimentales. Les premiers essais ont démarré en 2021.

    La filière s’engage donc dans une restructuration, portée en partie par l’AOP Cerises de France depuis 2018 – qui représentait en 2011 environ 50 % de la production nationale. Mais le taux de vergers protégés et son suivi dans le temps ne sont pas connus à ce jour. « Beaucoup de choses sont en devenir. Il y a énormément de réunions, de visites terrain et techniques, mais il est important que l’État et les régions puissent aider les producteurs à investir. C’est la condition pour avoir une cerise de qualité au stade de la consommation », résume Alexandra Lacoste, directrice de l’AOP Cerises.

    Jean-Christophe Neyron est producteur dans le Vaucluse et président de l’AOP Cerises de France. © végétable

    C’est une urgence, si les distributeurs et les consommateurs veulent retrouver de la cerise origine France sur les étals dans les années futures. Alors que la « souveraineté alimentaire » est érigée en impératif, la production française avoisine les 35 000 t, soit une diminution sur les dix dernières années, face aux 600 000 t de la Turquie, en forte progression depuis dix ans, premier pays producteur fournisseur de l’Europe, et aux 2,6 Mt par an dans le monde. Sur le marché national, si la part de l’offre française reste majoritaire, à hauteur de 70 %, elle s’érode au profit des importations. Matthieu Serrurier, expert économique du CTIFL, a rappelé que, depuis dix ans, les achats des ménages baissent en volumes, couplés à une franche progression du prix moyen d’achat, ce qui n’a pas pour effet d’élargir la taille de clientèle : « Deux tiers des ménages n’achètent pas de cerise et le cœur de clientèle reste très senior. » Les achats de cerises restent caractérisés par une sur-représentation en circuits spécialisés (marchés, primeurs, vente directe). « Il y a des sources d’inspiration à trouver, pour un produit qui suscite l’achat plaisir, qui fait passer le prix en deuxième préoccupation », avance-t-il pudiquement. En tout cas, l’envie est là. Deux producteurs, un grossiste et deux distributeurs (l’un spécialisé, l’autre généraliste) ont explicité leurs attentes et la place qu’ils souhaitent donner à la cerise française dans les années futures (voir article à paraître dans végétable n°399, de mai 2022).