Comment rendre tangible la transition alimentaire ?

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    Aprifel a donné la parole à des scientifiques d’horizons variés qui œuvrent à la transition vers une alimentation durable.

    Alors que l’appel à la végétalisation des assiettes résonne partout, les conditions pour réussir cette transition sont-elles réunies ? Telle est bien la question de fond, débattue lors d’une matinée d’information consacrée aux clés de la réussite d’une alimentation durable, organisée par Aprifel lors du dernier salon de l’agriculture le 2 mars dernier. L’assemblée a pu prendre connaissance de l’ampleur des travaux menés par plusieurs instituts de recherche (CTIFL, Inrae), notamment sur la question des inégalités sociales. Un phénomène désormais entendu, compris et intégré dans des feuilles de route, dont le tout nouveau Plan de souveraineté de la filière fruits et légumes. Signe de l’enjeu, Maud Faipoux, la directrice générale de l’Alimentation, avait fait le déplacement : « Sept à huit millions de nos concitoyens sont considérés en précarité alimentaire. Le fonds Mieux manger pour tous, doté de 60 M€, doit permettre un accès facilité aux fruits et légumes pour les plus démunis. La Loi climat et résilience instaure, à partir du 1er juillet 2023, une Stratégie nationale de l’alimentation, de la nutrition et du climat qui devra englober toute la politique alimentation durable. »

    Assurer la sécurité alimentaire et les besoins nutritionnels pour tous partout dans le monde devient un impératif majeur, à l’heure où progressent de multiples maux, dont l’obésité. Dans une optique de santé et d’environnement, les connaissances scientifiques actuelles soulignent la nécessité d’accroître la part de végétal, et notamment les fruits et légumes dans les assiettes, rappelle Aprifel, pointant les données de la FAO. « Mais la force nutritionnelle des fruits et légumes devient leur faiblesse sur le plan budgétaire. Le premier besoin alimentaire est les calories. Or les fruits et légumes sont les sources les plus chères de calories, ce qui est une mauvaise nouvelle pour la nutrition ! » pointe Nicole Darmon, directrice de recherches à l’Inrae, spécialiste de l’étude des inégalités sociales et des leviers pour agir en faveur d’une meilleure alimentation chez les plus démunis. Leur logique revient le plus souvent à se tourner vers les féculents. « Un des leviers importants sur lesquels on peut agir sont les dépenses sur la viande », démontre-t-elle dans une étude très fournie. Son collègue Louis-Georges Soler, économiste et directeur scientifique adjoint à l’Inrae, illustre combien la transition alimentaire sera difficile, dans une synthèse particulièrement documentée sur les « points de tension et intérêts contradictoires », dès qu’on touche aux pratiques agroécologiques (risque de réduction des quantités produites réduites, prix en hausse), à l’évolution des régimes (risque de changement des comportements pas forcément favorables aux aspects santé) ou des pertes et gaspillages. « Tout changement ou diversification n’est pas forcément positif, il doit être piloté ! En attendant une prise en compte politique et sociétale, il devient plus que nécessaire de sortir du raisonnement par culture ou par filière, en silo, pour embrasser tous les changements dans une approche systémique ! Cela suppose que chacun de nous évolue individuellement », souligne Antoine Messean de l’Inrae et président de l’Association française d’agronomie. « On est dans une transition, tout de même », pointe Catherine Baros, spécialiste de la consommation au CTIFL. Preuve en est des multiples évolutions de nos comportements de consommation, surtout depuis la crise Covid : nouvelle gestion du temps et de l’espace, avec 21 % des salariés en télétravail, plutôt cadres et urbains, ce qui influe sur les modes d’achats et de consommation, déstructuration des repas, attrait de l’offre antigaspi, « apparue de façon spontanée depuis l’an passé ». In fine, le spécialiste de la grande consommation Stéphane Brunerie, fondateur de Strip Food et du Sens de l’alimentation, a livré des clés aux dirigeants pour embarquer les consommateurs dans la transition. Bonne nouvelle : l’un des moteurs reste et restera toujours le plaisir.