Les fruits et légumes sont-ils trop chers, ou bien mal compris par les consommateurs ? Les réponses à cette question, posée lors du Medfel 2025, révèlent une certaine complexité. Lorsque l’on raconte l’origine, la saison, la manière dont le produit est cultivé, alors la valeur perçue – et avec elle, le consentement à payer – pourrait bien augmenter. Encore faut-il raconter une belle histoire.
À l’occasion de la 15e édition du Medfel à Perpignan, trois conférences débats ont abordé directement ou indirectement la question du prix et de la communication, pour comprendre et stimuler la consommation de fruits et légumes.
Consentement à payer : pas sans explication
« Il faut 1,13 € par jour pour consommer deux portions de fruits et trois de légumes », a calculé Marie-Amandine Stévenin, présidente de l’UFC-Que choisir. Bien plus que les 0,91 € en 2010, « mais cela n’est que le reflet de l’inflation des charges subies par les opérateurs de la filière », a rappelé Christel Teyssedre, détaillante dans le Lot et présidente de Saveurs Commerce. Toutefois, cela reste raisonnable comparé à d’autres postes de dépenses, les fruits et légumes ne représentant que 10 % du budget alimentaire, plafonnant lui-même à 12 % des dépenses mensuelles des ménages.
Pourtant, la perception de cherté demeure forte, parce que ce prix arrive en fin de parcours, après les charges mensuelles incompressibles. Et surtout, parce qu’il est souvent mal compris. Or « le prix est l’information dans laquelle on se réfugie quand on n’a pas compris le reste », a suggéré Cécilia Celeyrette, directrice adjointe stratégie filières d’Interfel. « Le consommateur est perdu, il ne comprend pas la variabilité du marché et manque de référence sur le juste prix de chaque espèce », a souligné la présidente de l’UFC-Que choisir, rappelant que l’association n’a jamais défendu le prix le plus bas pour le consommateur mais plutôt le prix le plus juste. Le consentement à payer repose selon elle sur un socle simple : la confiance, la transparence et la reconnaissance du travail. Mais la pédagogie ayant ses limites, il faut aussi séduire.
Éduquer et séduire
Le levier émotionnel est aussi ce qu’explore Interfel depuis trois ans avec sa campagne « Jamais trop », fondée sur le plaisir et la diversité des usages des fruits et légumes, dont Nicolas Grandillon, de l’agence Les Bons Mots, a décrypté la stratégie de communication. Partant du constat que l’absence de marketing pour cette famille de produits extrêmement hétérogène a laissé toute leur place aux discours injonctifs et moralisateurs, le leitmotiv de cette campagne est de reconquérir les jeunes, « avec une image plus cool, plus glamour, plus instagrammable ».
« Les fruits et légumes sont des produits stars que l’on les retrouve dans les shampoings, la mode… mais les jeunes n’en ont jamais aussi peu mangé. Parce que le prix : trop cher, les usages : trop la flemme, et l’image : trop relou ! » C’est sur ce dernier point que la campagne communique. Le résultat est là : +13 % de perception de gourmandise après exposition à la campagne.
« Il nous avait échappé que les fruits et légumes bénéficient d’une image naturellement positive », a reconnu Olivier Le Mouzy, président de la commission communication d’Interfel. Même stratégie chez Pink Lady Europe, qui a investi dans la communication sur TikTok pour atteindre une cible jeune. « L’idée n’est pas d’expliquer, mais de raconter », a pointé Anouck Plantevin (agence Wonderful). « Un bon storytelling, centré sur l’humain, redonne envie d’acheter » et potentiellement de payer plus.
Un produit juste pour un prix juste
L’exemple du e-commerce bio montre qu’un prix élevé peut être bien perçu s’il semble juste. « Le consommateur n’achète pas qu’un fruit, il achète une histoire », a expliqué Jean Pratx, producteur de fruits bio dans les Pyrénées-Orientales, qui s’est lancé dans le e-commerce pour diversifier ses circuits de distribution.
Sur les marketplaces Pour de Bon et Crowdfarming, il vend certes à des prix plus élevés, mais il explique ses pratiques, simplifie son offre, et assume de ne pas répondre à tous les codes du marché classique, comme le calibrage. Ses clients paient davantage, mais ils savent pourquoi. Son chiffre d’affaires en e-commerce atteint désormais 200 000 €, soit environ 5 % de son activité. « C’est un débouché commercial très chronophage », a-t-il concédé, « mais particulièrement intéressant pour des produits de niche comme notre grenade bio, ou pour les produits transformés ».
Accepter que tous les fruits et légumes ne soient pas tous logés à la même enseigne, c’est peut-être l’étape à franchir. Produits d’appel, offres locales, gammes premium… une meilleure lisibilité de l’offre peut faciliter l’acceptation des écarts de prix. Encore faut-il assumer cette complexité, et accompagner le client dans ce déchiffrage pour lui donner envie de se faire plaisir de diverses manières.