La voie de la figue piquée par une mouche

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    Kaki, grenade, figue, fruits à coque, fruits à pépins, fleurissent dans le Roussillon en alternative à une filière fruits à noyau malmenée. Parfaitement adaptée à ce terroir, la figue voit cependant son essor ralenti par la pression croissante de la mouche.

    © Pépinières Baud

    Ce sont le plus souvent des organisations de producteurs qui se sont engagées sur des voies alternatives : La Melba pour la grenade, Coop Latour pour le kaki, Ille Fruits pour les fruits à coque. Quant à la figue, la dynamique se concentre autour de Teraneo (90 % Bourjassotte, 50 % de verger de moins de trois ans, 60 % de bio à trois ans, potentiel verger 800 tonnes, commercialisation par Fruits Union) et d’Alterbio (81 t de figues commercialisées en 2019, dont 25 du Roussillon sous la marque Couleur Midi). La figue ? On devrait dire plus précisément Bourjassotte, cette variété noire, productive, à gros fruit de « bonne tenue », appelée ailleurs « Violette de Solliès ». Burjassot est le nom d’une ville de la province espagnole de Valencia, mais la figue, allez savoir d’où elle est vraiment originaire ! Le Roussillon associe un terroir adapté (sols, climat, compétences humaines) et la proximité avec un marché nord-européen gourmand de ce fruit méditerranéen, qui exige la plus grande fraîcheur pour donner le meilleur de lui-même. De mi-août à fin octobre, les équipes de cueilleurs passent une quarantaine de fois dans le verger, un jour sur deux, pour récolter à chaque fois quelques dizaines de fruits par arbre. Et cette récolte exige un vrai savoir-faire pour déjouer la rugosité des feuilles du figuier et la corrosion du latex abondamment produit lors du décrochage du fruit. Le cueilleur doit se protéger intégralement, notamment les yeux et les mains, et cette protection tient très chaud. Par conséquent, la récolte ne s’effectue que le matin. La main d’œuvre de cueillette et sa bonne gestion sont au cœur des enjeux de cette production qui se trouve par ailleurs orpheline de protection contre son quasi unique ravageur, la mouche noire.

    Face à cette adversité croissante et préoccupante, des techniciens passionnés partagent leur expérience avec les producteurs dans le cadre d’un groupe informel qui s’attache à échanger les bonnes pratiques et innovations et à trouver des alternatives pour contourner les arcanes d’une réglementation aussi rigide qu’inadaptée. « Les attaques commencent très tôt en mai-juin sur le très jeune fruit », observe Dominique Courtial, conseiller en arboriculture fruitière. « Quelques applications de produits agréés en bio par l’Union européenne permettraient de réduire le problème sans laisser la moindre trace à la récolte, mais leur usage nous est proscrit. » Du coup, le groupe de techniciens multiplie les expérimentations sur d’autres voies, piégeage de masse, protection des vergers sous filet insect proof, culture sous écran photovoltaïque assorti de filet, conception de vergers à haute densité plus faciles à couvrir… La pose de bâches au sol complétées par la présence de poules peut aussi contribuer à couper le cycle de ce ravageur, dont une part du stade larvaire s’effectue dans la terre. Mais cela ne suffit pas quand tout le milieu environnant est contaminé. Il y a urgence car, d’année en année, en l’absence de régulateurs naturels ou humains, la pression augmente et les pertes peuvent s’élever jusqu’à la moitié de la récolte pendante, soit 10 tonnes par hectare. L’enjeu est considérable : la figue est un fruit de haute valeur commerciale, ce qui signifie aussi que sa protection peut justifier des moyens techniques importants. La priorité est de conforter la situation technico-économique de la culture de Bourjassotte car, dans les cas extrêmes, des arboriculteurs renoncent et arrachent les vergers. Une fois cette urgence résolue, il sera possible d’envisager le développement d’autres variétés de très bon niveau moins sensibles au ravageur. JH