Les 8es Assises nationales de l’agriculture et de l’alimentation ont été organisées par notre confrère Ouest-France, à Cesson-Sévigné, près de Rennes.
Les intervenants des différentes tables rondes, le 14 novembre dernier, ont dessiné le cadre dans lequel s’exprime l’agriculture (la Politique agricole commune), les enjeux exogènes (l’accord avec le Mercosur, l’Ukraine…) et endogènes (le foncier, la rémunération, les attentes sociétales). Car « l’agriculture est à la croisée des chemins », a résumé Julien Denormandie. Pour l’ancien ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire du gouvernement Castex (2020-2022) et auteur cette année d’un livre co-écrit avec Éric Orsenna intitulé Nourrir sans dévaster, « l’agriculture, confrontée à de multiples contradictions, a perdu sa place dans notre société ».
Elle est sans cesse pointée du doigt, vilipendée pour les externalités négatives qu’elle entraînerait sur la qualité de l’eau, de l’air, la biodiversité plus que sur la qualité de ses produits. Mais le lien entre société et agriculture n’est pas rompu, selon Thierry Marx, grand chef médiatique, président de l’Umih, le principal syndicat de l’hôtellerie-restauration : « Les gens s’intéressent à ce qu’ils mangent. Il faut leur montrer la main qui nous nourrit. » Mais il faut aussi parvenir à faire de l’agriculture un secteur où l’on vit de son travail.
D’abord avec une rémunération juste. La table ronde organisée sur ce thème, focalisée sur la production laitière, a établi le constat d’une valeur mal répartie entre les maillons de la filière. Tant que les acteurs de l’aval ne seront pas parfaitement transparents sur la marge qu’ils dégagent, il sera difficile d’avancer. « La loi Égalim a permis d’avancer en adoptant le principe de la construction du prix en marche en avant. Il y a encore des choses à régler par une nouvelle révision de la loi », explique Jordy Bouancheau, éleveur en Vendée, membre du conseil d’administration du syndicat des Jeunes agriculteurs.
Répondre aux attentes sociétales
Les contrats tripartites (producteur-transformateur-distributeur) qui se développent dans différentes filières font preuve de transparence. La marque « C’est qui le patron ?! » est sans doute la plus vertueuse puisque « le prix d’une brique de lait, par exemple, est fixée à partir du coût de revient donné par les producteurs partenaires », explique Nicolas Chabanne, fondateur de la démarche. À ses yeux, tout modèle agricole « ne doit surtout pas être basé sur le prix bas, car il détruit la valeur ».
Pour que l’agriculture sorte de ses contradictions, elle doit aussi être capable de répondre aux attentes sociétales. Mais pas aux injonctions. Nombre d’agriculteurs veillent à trouver des solutions alternatives aux traitements phytosanitaires. En élevage, ils mobilisent la recherche et développement pour améliorer le bien-être animal de leurs animaux.
Le confort des salariés n’est pas oublié, car il conditionne l’attractivité de leur exploitation à la main-d’œuvre future. Les principaux défis de l’agriculture française sont « le renouvellement des générations, la rémunération des agriculteurs et la 3e révolution agricole, celle du sol : il faut chérir le sol », souligne Julien Denormandie. Pour l’ancien ministre, le sol capte le carbone et son respect permet de maintenir tout son potentiel de production. Lors de son intervention aux assises, il s’est montré un ardent opposant à l’accord de libre-échange que l’Union européenne prévoit de signer avec le Mercosur.