Crise de la bio : partager la valeur pour éviter la spirale de la décroissance

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    Les associations bio de tous bords se sont récemment mobilisées pour plaider leur cause auprès des pouvoirs publics afin d’obtenir des soutiens financiers, à grands renforts de communiqués.

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    © DR

    Victime d’un coup d’arrêt brutal en 2022, le marché de la bio est en crise de compétitivité. Malgré une enveloppe de 10 millions d’euros, aides de l’État annoncées lors du dernier Salon de l’agriculture, « aujourd’hui au niveau individuel de nombreuses entreprises sont en difficulté », témoigne Nordine Arfaoui, directeur de la coopérative Uni-vert. « Que ce soit en magasin bio ou en en GMS, le nerf de la guerre est de maintenir les prix. Les distributeurs aussi ont un devoir de transparence. Certains producteurs sont en déconversion, pris à la gorge avec des prix toujours tirés vers le bas. Cela nuit à l’attractivité du métier et risque de conduire à la disparition de nombreuses structures. Nous sommes responsables de maintenir une rémunération suffisante pour sauver les paysans et pouvoir nourrir 10 milliards d’humains en 2050. Il faut garder un cap et construire des partenariats durables dans la filière. »

    Diversifier l’offre bio

    Dans cet objectif, la coopérative Uni-vert continue à se diversifier (par exemple en ajoutant l’avocat corse à son offre), veille à la valorisation, accompagne l’installation des jeunes et surtout planifie l’offre. « Pourquoi n’a-t-on pas vu venir la vague de volumes en bio ? Et comment peut-on vendre maintenant à des prix inférieurs au conventionnel ? », alertait un producteur dans le public de la table ronde « Quelles perspectives pour le marché bio » lors du dernier salon Medfel à Perpignan, en avril. « Les médias stigmatisent les produits bio. Et  dans l’esprit des consommateurs, le bio reste systématiquement plus cher. »

    Pour autant, les relevés de prix en magasin prouvent parfois le contraire, signe de dérèglement du marché. « Le constat cataclysmique : changement climatique, perte de pouvoir d’achat, désamour du bio », poursuit Nordine Arfaoui. « Il faut redonner une image positive. Il y a trop de messages sur l’inflation des fruits et légumes. » Présente elle aussi à la table ronde du Medfel, Alexandra Farnos, consultante spécialiste des marchés bio européens a rappelé que « le bio n’est pas forcément plus cher, mais la rémunération du producteur doit être juste », invitant la distribution à revoir sa politique de marge. « Il faudrait, en France, ne pas opposer les agricultures : c’est stérile. Et réfléchir au niveau européen et inter-régional, tous modes de culture confondus, car se parler davantage permet de voir où être complémentaires et apporter de la fluidité », a-t-elle ajouté.

    Un soutien de 200 milions d’euros du gouvernement

    Le 17 mai 2023, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire annonçait un appui additionnel de près de 200 millions d’euros, en plus du fonds d’urgence accordé en février, avec une mobilisation particulière pour les fruits avec le programme européen de distribution de fruits dans les écoles : prioriser l’utilisation de fruits bio. « Ce renforcement comporte non seulement un soutien massif de 60 millions d’euros, mais également un engagement massif par la commande public de l’État [grâce au respect des objectifs de la loi Égalim] et en suscitant la consommation des citoyens », a déclaré le ministre, Marc Fesneau.

    Promesse saluée par les associations, tout en encourageant le gouvernement à faire preuve de plus d’ambition pour accélérer la transition alimentaire, en réponse aux attentes de près de 70 % citoyens selon un sondage Ifop commandé par la Maison de la bio. « En France, nous faisons l’éloge du petit producteur et de l’indépendant, mais pour fournir les réseaux de distribution, il faut des volumes. Nos voisins allemands ou espagnols ont beaucoup moins de complexes autour des grosses structures qui permettent d’alimenter le marché bio européen », a rappelé Alexandra Farnos.