Choc de compétitivité et souveraineté alimentaire au menu de l’assemblée générale de Felcoop

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    Faisant écho aux débats et analyses du moment, la question de la souveraineté pour les fruits et légumes était au cœur des discussions lors de l’AG de Felcoop le 26 avril dernier.

    AG de Felcoop avec Marc Fesneau en tribune
    Marc Fesneau est intervenu lors de l’AG de la Fédération des coopératives et Sica de producteurs de fruits et légumes frais et transformés, de pommes de terre et des horticulteurs, à Paris, le 26 avril dernier. © DR

    À question complexe et à fort enjeu, analyse circonstanciée. C’est tout d’abord Sébastien Abis, directeur du club Demeter et chercheur associé à l’Iris, spécialiste de géopolitique agricole, qui a livré à l’auditoire de Felcoop ses réflexions prospectives autour de sept grandes clés d’entrée : nourrir, acheminer, rééquilibrer, réanticiper, réarmer, répondre, innover. Il ne limite pas la question à un périmètre franco-français et prône une « verticalisation de l’agriculture » si on veut « augmenter la sécurité alimentaire mondiale, le premier levier de tous avec la logistique, les infrastructures, les chaînes du froid » pour se nourrir plus et mieux et assurer un revenu aux agriculteurs.

    Réarmer devient un enjeu à part entière alors que notre balance commerciale se dégrade et que la perte de compétitivité s’est faite à l’intérieur de l’Europe, en concurrence. « Demain, la compétitivité devra être pensée non pas face à 27 pays, mais 250, avec le monde ! » La guerre en Ukraine a rebalayé les cartes des équilibres géopolitiques. Additionnés aux questions d’eau et de climat, « il faut garder en perspectives les bascules potentielles à venir. La France agricole de 2050 se prépare dès maintenant ». À moyen terme, il estime qu’il va falloir « ouvrir grand les bras à la main d’œuvre étrangère », c’est-à-dire à autant de compétences et de savoir-faire qui s’en sont allés dans la vieille Europe, ce qui sous-tend de répondre à la question de l’intégration de ces personnes qui vont apporter « des solutions au travail ». « À l’avenir, plus de migrants vont arriver. Il s’agit donc de regarder la question plus largement, au niveau politique et social. Je ne crois pas à la “japonisation” de l’agriculture misée sur les seuls robots. »

    L’agriculture, c’est l’avenir

    Enfin, Sébastien Abis a insisté sur la remise en cohérence du prix et de la valeur, une absolue nécessité : « L’époque où tout est confortable, où l’on peut avoir tout à très bas prix, est finie. Je plaide pour remettre l’alimentation au cœur de l’éducation du grand public, réhabiliter les cantines, en faire un horizon culturel pour 99 % de gens qui n’ont plus aucun rapport direct avec l’agriculture. Luttons contre la greenflation : payer très peu cher de la nourriture qui est la meilleure du monde, cela n’a pas de sens stratégique. Certains grands distributeurs tiennent donc un discours anachronique par rapport aux réalités. Si on explique aux enfants dans les écoles que l’agriculture c’est l’avenir, à la base de la sécurité alimentaire, de la souveraineté et de la santé, il y aura demain plein d’ardeurs joyeuses. »

    Invité à débattre, Christophe David, directeur délégué à la stratégie et à la prospective de l’école Isara, retient « la notion de maîtrise, plutôt que d’indépendance ou d’autonomie », ainsi que la puissance de frappe de la R&D de la France en Europe, en première place, pour accélérer les transitions. Après avoir méticuleusement listé les raisons de la perte de compétitivité de la France en agri-agroalimentaire, le sénateur de la Haute-Loire Laurent Duplomb a présenté quelques mesures phares de la proposition de loi, qui vient d’être validée au Sénat le 16 mai, « pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France ». L’idée est de « détendre la situation » (sur l’interdiction des matières actives, remettre l’eau comme usage prioritaire pour l’agriculture, etc.) et en parallèle d’aider financièrement l’agriculture à se développer. Il souhaite notamment « la création d’un livret A à vocation agricole pour que les Français prennent conscience de leur agriculture ».

    Valoriser et retrouver la compétitivté

    Il reste également des leviers à actionner sur le volet de l’innovation. Marc Kerangueven, président de la Sica Saint-Pol-de-Léon en Bretagne, voit « un vrai sujet d’avenir dans les NBT » (New Breeding technics), les nouvelles techniques génomiques qui permettront demain d’accélérer la sélection de variétés tolérantes à la sécheresse ou multirésistantes aux maladies.

    Un sujet que pousse au niveau européen Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, invité pour l’occasion à présenter les grandes lignes du Plan de souveraineté annoncé au dernier SIA. En résonnance à une idée développée par Sébastien Abis, le ministre exhorte la filière à « travailler le sujet de la valorisation des métiers et du travail exercé. C’est de l’ordre du collectif que nous devons le faire ».

    « Puisse notre coopération aboutir à une vraie collaboration par un dialogue constructif qui permettra la plus grande efficacité », invite effectivement Jean-Michel Delannoy, président de Felcoop, s’étant assuré que les coopératives soient bien éligibles aux appels à projet du Plan de souveraineté, pour « regagner de la production grâce à une compétitivité retrouvée ».