Comment les tendances de consommation vont-elles impacter le commerce de détail de demain ?

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    Fraîcheur et goût des fruits et légumes sont des critères indispensables. Pour autant, des éléments conjoncturels, parfois contradictoires, prennent le dessus : inflation, végétalisation des assiettes, attention portée aux modes de production… Comment adapter le commerce demain aux mutations de la consommation ?

    Journée du commerce de détail
    © CTIFL

    Environ 200 professionnels ont participé à la journée nationale du CTIFL dédiée au commerce de détail, le mardi 19 mars, à Saint-Rémy-de-Provence. Cet événement a permis de dresser un état des lieux du commerce des fruits et légumes et de présenter les nouvelles tendances de la consommation pour orienter ou conforter les choix stratégiques des magasins pour les années à venir. L’après-midi était organisée sous forme d’ateliers sur le centre opérationnel de Saint-Rémy afin de mettre en avant l’expertise du CTIFL en matière de qualité post-récolte et les expérimentations en cours en lien avec l’aval de la filière. « C’est l’occasion de montrer comment nous prenons en compte les problématiques autour du commerce, pour mieux comprendre les consommateurs et favoriser leurs arbitrages dans le sens des fruits et légumes », a précisé Ludovic Guinard, directeur du CTIFL.

    Les nombreux détaillants, grossistes et partenaires de la filière ont d’abord assisté avec grand intérêt à une présentation de l’économiste Philippe Moati, co-président de l’Obsoco, sur les évolutions de la société de consommation, appuyée de chiffres officiels. Quelques grandes idées sont à retenir :

    • La contrainte de pouvoir d’achat devenu une priorité, entraînant des arbitrages entre contraintes et idéaux, entre prix et qualité. « À court terme, les contraintes s’imposent aux idéaux, mais dans la durée se sont les idéaux qui mènent la danse. » Bien que le sujet économique soit sur le devant de la scène dernièrement, les préoccupations environnementales sont toujours dans la tête des consommateurs, d’autant plus celle des jeunes générations. « 40 % des consommateurs ont déjà engagé une transformation de leurs comportements face aux enjeux environnementaux. Cela ne concerne plus seulement l’avant-garde écolo. »
    • La tendance à l’hyperindividualisme de la société de consommation pourrait métamorphoser le commerce. La distribution de masse d’hier n’a plus la cote et, au contraire, les commerces de bouche de petit format ont un beau potentiel et inspire la confiance de 88 % des consommateurs. « On ne peut plus draguer tous les consommateurs avec un seul concept, d’où la fragmentation du marché pour répondre à une myriade de profils consommateurs. » Avec le retour probable du e-commerce et le développement des approches servicielles de l’alimentation. « Il faut surveiller le développement des livraisons de repas à domicile, de la restauration et des offres de box à cuisiner. »
    • Une autre tendance majeure identifiée par l’Obsoco est l’obsession de la santé et du bien-être, qui retentit sur la perception de l’alimentation. « Là, vous avez un boulevard », a lancé Philippe Moati aux détaillants primeurs présents dans la salle, évoquant me développement du flexitarisme, sensé profiter aux fruits et légumes.

    La saisonnalité gagne du terrain

    En introduction de la table ronde qui a suivi, Catherine Baros, chargée de prospective au CTIFL, a présenté une synthèse de ses enquêtes consommateurs, afin d’avoir une vision des comportements d’achat au rayon fruits et légumes. La fraîcheur et l’assortiment restent en tête des critères de choix et la saisonnalité gagne du terrain. Mais les dernières enquêtes du CTIFL suggèrent aussi des tendances nouvelles. Plus de 8 consommateurs sur 10 plébiscitent l’offre anti-gaspi et apprécient la mise en avant de la production locale.

    Trois quarts des consommateurs aimeraient pouvoir déguster les produits en magasin et trois quarts aussi souhaitent trouver une zone premier prix. Et plus de la moitié sont intéressés par l’offre de fruits et légumes prêt à consommer. Le développement de la consommation nomade et la recherche de praticité ouvrent un potentiel à une gamme de fraîche découpe de plus en plus large, comme en a témoigné Chrystel Teyssèdre, primeur à Prayssac (46) et présidente de Saveurs commerce. À la demande de sa clientèle, son offre de paniers repas pour le déjeuner s’est étoffée jusqu’à devenir l’équivalent d’un rayon traiteur (sans viande).  « C’est un nouveau métier qui a nécessité un investissement matériel et la formation des équipes. » Menus salade, soupes, tartes aux légumes, crumbles de fruits, sauces et tartinables maison… l’assortiment évolue chaque jour de la semaine.

     « Le gain de temps et la promesse de gout sont valorisés comme un service auprès du consommateur et l’inflation semble avoir eu moins d’effet sur le prêt à l’emploi que sur les achats de fruits et légumes en général », a noté Manon Peloux, directrice générale groupe A2mains (qui commercialise son offre de fraîche découpe sour la marque Vert Framboise).

    Car, globalement sur la 1ère gamme, « le prix reste un critère prioritaire », a martelé Vincent Othenin, responsable adjoint des achats fruits et légumes chez Lidl, qui regrette la guerre des prix qui se joue en ce moment entre les enseignes. « Cela provoque un phénomène de redescente en gamme et pose la question de la valorisation pour les producteurs. »

    Suivant les profils de clients et les formats de points de vente, les priorités de la clientèle peuvent toutefois être différentes. « Le dynamisme des ventes est lié à la pertinence de l’assortiment par rapport à la zone de chalandise. Et le sourcing joue un rôle primordial pour trouver le bon produit et le bon prix », a nuancé Louis-Marie Asselin, président d’Intégr’halles, basé à Rungis.

    Il faut réussir à remettre en question le modèle du commerce d’aujourd’hui pour anticiper demain. « Les tendances conso évoluent très vite, on doit s’adapter », a reconnu Christel Teyssèdre. Et in fine, tout doit converger pour faire consommer plus de fruits et légumes, pour tous les budgets et auprès de toutes les générations. « Sortir de l’injonction “5 fruits et légumes” par jour pour aller vers plus de plaisir », a suggéré Manon Peloux. Et s’écarter des produits ultratransformés pour revenir aux produits bruts, cuisinés maison, intéressant pour le plaisir du goût, la santé et le portefeuille. Car « les plus gros concurrents des fruits et légumes, ce sont les plats cuisinés », a souligné Louis-Marie Asselin.

    Journée du commerce de détail
    Philippe Moati © CTIFL