Carpocapse : nouveaux moyens de lutte en perspective

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    Une journée dédiée aux stratégies de lutte contre le carpocapse a réuni une soixantaine de chercheurs et experts à l’Université d’Avignon le 4 février dernier. Objectif : partager l’état de l’art et pointer de nouvelles solutions alternatives à l’étude.

    La communauté de recherche et d’expérimentation travaillant sur les moyens de lutte contre le carpocapse des pommes et des noix avait rendez-vous le 4 février à l’Université d’Avignon, pour établir une synthèse des stratégies efficaces et présenter les travaux engagés sur la recherche d’alternatives. Dans ce domaine, la filière peut compter sur des années d’expérience en matière de lutte et quelques « certitudes ».

    « L’efficacité de la barrière du filet Alt’carpo n’est plus à démontrer. Elle est incontournable en agriculture biologique. Les derniers essais confortent la technique de la confusion sexuelle, sa faisabilité est avérée et il n’y a généralement pas de phénomène de résistance à la phéromone. L’application de produits phytosanitaires, en complément, peut être nécessaire dès qu’une pression se fait ressentir en PFI », a résumé Pascal Borioli, directeur du GRCETA de Basse-Durance, en synthèse des travaux menés en réseau avec les stations de La Pugère et Sud Expé. La protection physique Alt’Carpo se suffit à elle seule, surtout en monorang, et elle est « largement suffisante en pratique ». En monoparcelle, davantage de vigilance est requise. La perméabilité du système étant plus facile dans ce cadre-là, « la confusion est un complément qui me paraît très intéressant ». Au final, « pour moi, il y a un dilemme entre efficacité du système et intervention humaine. Sachant que pour le producteur, les stratégies de lutte doivent présenter l’intérêt que la larve meure avant de pénétrer le fruit », a pointé Pascal Borioli.

    La journée a ensuite laissé la part belle à des travaux intégrant une dimension plus large, celle de la gestion des paysages et de la biodiversité. Tous ont en commun d’être inachevés, encore en cours, d’avoir pâti des conditions sanitaires imposées par la crise Covid qui ont freiné certains travaux, mais d’annoncer des tendances parfois prometteuses. Tel l’effet de certaines plantes aromatiques sur le parasitisme du carpocapse, contribuant à sa régulation. La doctorante Ludivine Laffon, de l’Inrae d’Avignon, a comparé l’effet du basilic et des tagètes sur la dynamique du carpocapse et son parasitisme. Un essai en verger non traité sur six rangs de la variété de pomme Ariane® a été mené, en comparaison avec un témoin ray-grass, en bandes fleuries en bordure ou en inter-rang. Malgré une différence peu significative entre les plantes aromatiques et le témoin, on dénombre plus de larves collectées par bande piège sur les pommiers proches du basilic par rapport aux tagètes, et une proportion significativement plus élevée de petites larves sur les pommiers proches du basilic par rapport au témoin. Ce qui suggère que cette association basilic-pommiers tend à favoriser le parasitisme du carpocapse. D’autres paramètres restent à préciser, comme le rôle des ressources florales (pollen, nectar), ainsi que l’effet distance, pour conforter ou nuancer ces premiers résultats.

    Bertrand Gauffre, chargé de recherche à l’Inrae d’Avignon, s’intéresse aux effets secondaires des filets Alt’Carpo sur la biodiversité (autres ravageurs ou auxiliaires) à l’échelle du paysage (projet Exclu). Les premiers résultats d’une année d’étude semblent montrer un effet des filets monoparcelle sur l’abondance du campagnol provençal, mais pas sur celle des pucerons.

    Quant à la technique de la TIS (insectes stériles) déployée au CTIFL de Balandran, deux à trois années d’expérimentation semblent encore nécessaires pour parfaire le protocole : développer un élevage local d’insectes en masse, avec un objectif de 40 000 individus par semaine, produire en qualité, confirmer la dose de stérilisation optimale, concentrer la récolte des papillons, améliorer les dispositifs de lâchers en 2022, la recherche de partenaires. « Pour l’instant, c’est encore un bricolage assez simple, qui doit être amélioré », a avoué Benjamin Gard, chargé d’expérimentation. Une étape indispensable avant d’envisager un déploiement à grande échelle en conditions réelles « producteur ». Soulignons enfin l’intérêt du changement climatique, matérialisé dans un projet présenté par Joffrey Moiroux, de l’Université d’Avignon : « Impact du changement climatique sur les méthodes de lutte contre le carpocapse ». L’objectif est ici d’ajuster au mieux demain les moyens de lutte et d’adapter la saisonnalité de certains produits de traitement comme l’émamectine.