Souhaitable et possible réconciliés ?

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    La dernière assemblée générale de Felcoop à Paris a permis de mettre en lumière toutes les cristallisations des défis à relever pour la filière.

    AG de Felcoop
    © végétable

    Salle comble et de l’émotion à la dernière AG de Felcoop le 10 avril dernier à Paris, qui était la dernière sous la présidence de Jean-Michel Delannoy, fidèle de la fonction depuis vingt ans. Vingt années et bien plus, à négocier auprès des pouvoirs publics français et européens la défense des programmes opérationnels, dont les coopératives bénéficient, et les dossiers juridico-économiques qui les impactent. En anecdote à une situation vécue, citant Michel Barnier, Jean-Michel Delannoy en a profité pour appeler à soutenir l’Europe dans les prochaines échéances électorales en juin… là où nombre de mesures en faveur d’une production plus organisée se jouent.

    Dans le cœur des débats, c’est la « transition écologique » qui était à l’ordre du jour. Plusieurs grandes « coopératives en action » ont porté sur le devant de la scène leurs projets de développement (agrivoltaïsme en filière kiwi chez Scaap Kiwifruits de France ses déboires au démarrage et finalement le chemin de la rentabilité pour les producteurs, un « plan climat » qui vise à diviser de -35% à 2035 les émissions de gaz à effet de serre chez Agrial, l’innovation et l’agriculture régénératrice chez Blue Whale, nouveau mix-énergétique, décarbonation et optimisation du pilotage en serres par la digitalisation chez Savéol), tout comme leurs difficultés aussi à rester sur cette ligne de crête étroite de la compétitivité et de la réussite de ces transitions : comment attirer investisseurs comme nouveaux producteurs si la rentabilité est trop faible ? Comment valoriser jusqu’aux consommateurs des productions vertueuses et décarbonées ? Comment regagner des parts de marché à l’export, gage de bonne santé économique comme de souveraineté alimentaire ?

    Tout l’enjeu est d’arriver à réunir efficacement les politiques publiques en soutien des investissements et de toutes les prises de risque portées par les entreprises sur le terrain. C’est la confrontation du « souhaitable et du possible » : parfois les deux se rejoignent… mais pas souvent ! « On n’a pas encore retrouvé cet équilibre », est forcé de reconnaître Frédérick Jobert, directeur du SGPE (Secrétariat général à la planification écologique), une instance créée il y a dix-huit mois, directement rattachée au Premier ministre. « Pourquoi créer une structure de plus dans des institutions déjà bien chargées ? » ironise-t-il. « Pour dire la vérité de façon plus efficace sur nos objectifs, les moyens à mettre en œuvre, la réalité sur les limites physiques dans lesquelles on s’inscrit. »

    Et elles sont nombreuses, entre incohérences ou injonctions contradictoires. Comment en sortir ? « En le reconnaissant, en faisant le tri entre les politiques publiques, celles qu’on doit accepter et celles dont on ne prendra pas le chemin, en décidant sans tabou de comment on peut financer la prise de risque. Il y a une énorme différence entre la complexité des sujets et notre profonde incompétence à les résoudre. Heureusement que nous avons beaucoup d’expertises sur le terrain », poursuit Frédérick Jobert, et c’est bien la mise en garde qu’adressent les professionnels : remettre de la confiance et de la concertation avec les filières ! « Quand on veut imposer quelque chose à quelqu’un, il n’y a que deux solutions : soit il se soumet, soit il se rebelle », rappelle Jean-Michel Delannoy, en référence à la loi Agec et autres surtranspositions franco-françaises qui ont été rappelées.

    Malgré les difficultés, les coopératives ont salué l’engagement du ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, présent en fin de matinée, à travers la mise en route du Plan de souveraineté et son niveau d’investissement pluriannuel jamais vu dans notre filière, et déjà les premières mesures correctives visant à plus de souplesse et de lisibilité dans l’accès aux financements.

    Ils ont également trouvé un écho favorable à la science de l’eau et de l’agriculture régénératrice prônée par les experts Jean-François Berthoumieu et Sébastien Roumegous, parties prenantes dans les débats, qui n’ont pas hésité à lancer des recommandations pour faire changer certaines politiques publiques. In fine, la matinée bien remplie s’est terminée par la remise des insignes de chevalier dans l’ordre du Mérite agricole à Jean-Michel Delannoy entouré de son épouse et ses six enfants, par le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, qui a retracé son parcours.

    AG de Felcoop
    Jean-Michel Delannoy, entouré de sa famille, a reçu l’ordre national du Mérite agricole des mains de Marc Fesneau. © végétable