Projets de valorisation de la banane péruvienne équitable

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    Comme l’ensemble des produits agricoles, la banane subit l’augmentation de ses coûts de production. Dans la filière du commerce équitable, des organisations péruviennes décident de tirer profit de leurs spécificités pour développer des projets de valorisation et d’économie circulaire. Explications avec les dirigeants d’une délégation reçue à Paris par Max Havelaar France à la mi-avril, au lendemain du Fruit Logistica.

    Dans un marché d’échanges mondialisés, la banane est en première ligne dans ce contexte d’inflation généralisée des matières premières (intrants, carburants, emballages…). Selon les origines, la hausse s’observait en moyenne autour de 20 % début avril, quand elle était déjà de « 10 % avant la crise Russe-Ukraine, soit 0,80 $ d’augmentation par box de plantation », reporte Carlos Ruiz, producteur de bananes et président de la Junta Nacional del Banano au Pérou (40 coopératives).

    Face à cette situation, les producteurs péruviens de banane issue du commerce équitable ont décidé de s’appuyer sur les forces de leurs atouts et leurs spécificités, à commencer par le climat. « Au Pérou, nous avons la chance d’être bénis par le soleil et de ne pas souffrir de la cercosporiose. Nous limitons les intrants, qui sont produits par nous-mêmes de façon artisanale et sommes engagés dans une démarche d’amélioration de la fertilité des sols », souligne Carlos Ruiz. « La situation est vraiment préoccupante, mais le fait d’être engagés dans une démarche durable et sociale liée au commerce équitable nous a permis de réviser les prix minimum garantis pour les producteurs. Mais ils ne pourront pas continuer à grimper indéfiniment. Donc nous avons décidé de faire le choix de travailler la baisse de nos coûts de production, d’accroître notre compétitivité… et construisons un plaidoyer auprès du gouvernement pour faire baisser les taxes », explique Miguel Borrero, dirigeant de la coopérative agricole Appbosman au Pérou, membre du Clac, réseau de producteurs de bananes équitables d’Amérique latine et des Caraïbes. Deux filières co-existent, sur un socle commun « Fairtrade » dont 70 % est en bio. « Derrière notre production, ce sont 9 000 familles sur 10 000 ha, fédérées dans nos coopératives, qui contribuent au travail de 50 000 personnes. » En Europe, la banane Fairtrade du Pérou est distribuée en majorité en Allemagne et en Suisse, avec des velléités d’accroître la part de marché sur la France. Les producteurs de la délégation sont déjà référencés auprès de deux enseignes leader de la grande distribution et distribution spécialisée bio.

    Les producteurs réfléchissent également à de nouvelles voies de valorisation, au travers de projets de diversification et d’économie circulaire. Une première étape vient d’être lancée avec un projet de création d’une unité de transformation des invendus en purée ou poudre, avec dans un deuxième temps la création d’une coopérative de second degré dont la mission sera de développer des partenariats avec des entreprises locales pour la commercialisation des produits finis. Sur place, les coopératives ont également investi dans une usine de recyclage du plastique servant à protéger les bananeraies. « Les producteurs péruviens engagés dans le commerce équitable au Pérou ont une conscience environnementale plus développée, s’engagent dans des projets d’adaptation au changement climatique et dans l’économie circulaire », témoigne Kharlos Quinde, chef de projet au sein de l’ONG Cedepas Norte-Junaba. « Le nouveau projet de transformation locale constituera pour nous une source de revenus supplémentaires », ajoute Carlos Ruiz.

    À l’avenir, les producteurs péruviens souhaitent renforcer leurs actions en faveur de l’environnement et du climat, en s’attaquant la question du bas carbone à la fois à travers la compensation et la réduction des émissions de GES (gaz à effet de serre), tout en continuant leurs efforts dans le domaine de la fertilité des sols. « Nous pensons que la banane péruvienne a des spécificités supérieures en qualité et doit avoir une place partout dans le monde. Elle est produite par des petits producteurs engagés dans une voie alternative, qui pour nous est très importante. Ils se doivent d’être demain encore plus efficients, plus productifs, entièrement tournés vers l’environnement », résume Carlos Ruiz. Et de souligner l’enjeu « d’empowerment des femmes et des jeunes », mais aussi que les consommateurs « puissent choisir la banane Fairtrade, car elle permet tout cela et de ne pas être seulement une source de subsistance ».

    Ces initiatives trouvent écho au projet lancé il y a un an par le mouvement Fairtrade/Max Havelaar, à hauteur d’1 M€ sur une durée de trois ans, financé par l’AFD (Agence française de développement), dont une contribution à hauteur de 300 000 € de Carrefour pour soutenir les pratiques agronomiques durables et la promotion de l’égalité des femmes dans la filière de la banane bio-équitable, s’appuyant sur 11 coopératives au Pérou et en République Dominicaine.

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