L’actualité nous livre un spectacle difficile, entre arrachages de vergers de pommiers et opérations syndicales musclées dans les étals de la grande distribution pour sensibiliser les consommateurs « au juste prix ».
Pertes de récolte suite aux conditions climatiques extrêmes de 2022, inflation au stade de détail, augmentation des salaires, du transport, des emballages, de l’énergie, des intrants… Les récriminations étaient longues, portées par la voix de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, venue prêter main forte aux producteurs de fruits et légumes à l’occasion du salon Sival à Angers, qui vient de fermer ses portes. « En pomme, les producteurs demandent seulement 20 centimes d’euros du kilo. Par rapport à la consommation annuelle, cela ne représenterait que 3,20 € de plus par an dans le budget des ménages ! Dès décembre, les producteurs ont pris conscience qu’ils allaient perdre de l’argent. Avec en prime des soupçons d’une certaine francisation, on en arrive malheureusement à ce gros tirage de sonnette d’alarme. Nous demandons solennellement à la grande distribution de revaloriser les prix de 20 centimes », tempête Christiane Lambert. « On a besoin de replanter des vergers, de continuer à investir, on doit passer à 60 % de la production française dans le plan de souveraineté de la filière fruits et légumes, on a un savoir-faire magnifique, on ne peut pas continuer dans la voie actuelle », alertent Christiane Lambert et Charlie Gautier, producteur de fruits dans la Sarthe et administrateur de la FNP Fruits.
La tonalité n’est guère meilleure en maraîchage, comme en témoigne Régis Chevallier, le nouveau président de la Fédération des maraîchers nantais. Surtout pour des productions spécifiques comme le radis ou les légumes primeurs, qui ont souffert des conditions de l’application de la loi Agec en 2022. C’est bien simple : « Nos coûts de revient explosent. Les maraîchers doivent prendre des décisions radicales, entre licencier du personnel et changer de productions. Depuis un an, l’inflation conjuguée au manque d’eau et à la flambée des matières premières nous pousse à baisser notre activité. C’est un bouleversement. » D’autres combats sont menés, notamment vis-à-vis du projet de loi ZAN (« Zéro artificialisation nette »), un objectif fixé à horizon 2050 par la loi climat et résilience du 22 août 2021, et qui vise à lutter contre la perte d’espaces naturels et agricoles. « C’est un prétexte pour interdire la construction d’abris ou de serres. Nous nous battons avec nos élus pour leur expliquer que le maraîchage nantais a une vocation nourricière et que ses infrastructures de production ne sauraient être considérées comme artificialisantes dans les documents d’urbanisme », explique Régis Chevallier.
Dans ce tableau alarmiste, des espoirs sont toutefois permis. « Nous travaillons depuis plusieurs mois pour aborder tous les sujets dans le plan de souveraineté de la filière. Je sens qu’une mécanique positive est en train de s’enclencher. Il y a une prise de conscience : sur le réglementaire, la technique, le renouvellement des générations », nuance Cyril Pogu, vice-président de Légumes de France. La filière peut compter également sur « l’écoute et l’engagement total » de Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, à défaut d’annonces immédiates.
Ces professionnels soutiennent par ailleurs le projet de loi Descrozaille visant à « sécuriser l’approvisionnement en produits de grande consommation », qui a contribué à opposer radicalement producteurs et distributeurs et enflammer ces derniers. À cette heure-ci, le projet de loi vient d’être adopté par l’Assemblée nationale, après ajustements de l’article 3 sur les négociations commerciales, avant d’être examiné par le Sénat à partir de mi-février. Quant à la crise énergétique, si les professionnels soulignent l’effort gouvernemental des mesures d’accompagnement tel le report de paiement des impôts et des cotisations sociales pour les entreprises en difficulté, ils les estiment « loin d’être suffisantes ».« L’heure n’est plus aux simples mesures de soulagement de la trésorerie, mais bien à la réduction effective des charges liées à l’énergie par la mise en place d’un bouclier tarifaire, à l’instar de celui réservé aux particuliers ! », plaide la FNSEA.