Comment le numérique facilite la gestion de l’eau

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    La collecte de données et la modélisation nourrissent les concertations entre usagers pour le partage des ressources en eau, devenue un bien précieux. Elles contribuent aussi à accélérer les nécessaires transitions vers un modèle agricole plus résilient et plus sobre.

    La chaire Agrotic organisait, le 13 décembre à Bordeaux, son séminaire annuel, en collaboration avec la chaire eau, agriculture et changement climatique de Montpellier. Une journée riche et intéressante, qui a rassemblé une centaine de participants sur le site de Bordeaux Sciences Agro, et autant en distanciel, autour de la question du rôle du numérique dans la gestion quantitative de l’eau pour les productions végétales. La sécheresse de 2022 a accéléré la prise de conscience des enjeux liés au changement climatique. Et accru les tensions pour le partage des ressources en eau. Car le débit moyen annuel des cours d’eau baisse significativement, alors que la demande pour les usages agricoles progresse. « Il faut s’attendre à des déficits de plus en plus marqués, accentués en période estivale et dans le Sud de la France, et des variabilités annuelles de plus en plus fortes », a rappelé Gilles Belaud, professeur et directeur adjoint de l’UMR G-Eau – Institut Agro Montpellier. « Il y a des disparités entre les territoires, qui ne sont pas tous aussi bien desservis, ce qui pose des questions d’équité. »

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    À travers différentes interventions et une table ronde, l’importance de la juste répartition des usages de l’eau a été mise en lumière. En agriculture bien sûr, mais aussi fourniture d’eau potable, hydroélectricité, activités industrielles, navigation et usages liés aux loisirs nautiques doivent se partager une ressource limitée, tout en maintenant la vie aquatique dans les cours d’eau. D’où la nécessité de passer d’une approche de la gestion de l’eau à la parcelle à une approche systémique à l’échelle territoriale, prenant en compte tous les usages sur un bassin versant. Ludovic Lhuissier, directeur des opérations d’ingénierie et de l’innovation à la CACG (Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne) a souligné le rôle majeur de l’exploitant pour faire dialoguer les parties prenantes, lors de réunions de concertation de plus en plus nombreuses en ces temps de crise. « Le numérique joue et jouera un rôle dans la connaissance de la disponibilité des ressources à l’échelle d’un bassin versant. Il permettra une diffusion large de ces données pour faire collaborer efficacement les différents acteurs et usagers. Sous réserve de normaliser les données collectées pour les rendre interopérables et accessibles. Tout en encadrant la problématique de la gouvernance et de la confidentialité des données », a pointé Christian Germain, enseignant-chercheur à Bordeaux Sciences Agro. Le développement du « crowdsourcing » (collecte participative d’observations spatialisées à l’échelle régionale auprès d’une communauté d’agriculteurs et de conseillers) permet une approche complémentaire à la modélisation, basée sur des hypothèses, et à la télédétection par satellite.

    Pour revenir à l’échelle de l’exploitation, plusieurs fabricants ont présenté un panorama de solutions innovantes pour s’adapter, dans un objectif de résilience et de sobriété. A travers des OAD (outils d’aide à la décision) toujours plus performants, intégrant les données de la plante, du sol et les prévisions météorologiques, la modélisation de systèmes complexes facilitera le pilotage de la gestion de l’eau et améliorera la performance avec l’automatisation de l’irrigation. La solution Irré-Lis, développée par Arvalis, propose par exemple à l’agriculteur d’affiner sa tactique d’irrigation en cours de campagne, en fonction de la réalité du climat et selon une contrainte de volume disponible. Ludovic Lhuissier a suggéré l’objectif d’un équilibre appelé « irrigation suboptimale », qui inciterait à moins irriguer, quitte à atteindre un rendement de culture maximale, moyennant des contreparties (financières ou autorisations de prélèvements), pour compenser le manque à gagner pour l’agriculteur. « Pour autant, il est nécessaire d’élargir la réflexion pour la résilience des systèmes de production agricole, pas seulement autour de l’irrigation, car plus de 90 % des surfaces agricoles ne sont pas irriguées en France* » a pointé Gilles Belaud.

    * D’après le recensement général agricole, 6,5 % de la SAU était irriguée en 2020 (soit 1,70 millions d’hectares), contre 5,8 % de la SAU en 2010.

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