A chacun de mes AR a Rungis, je suis frappé par la différence d’aspect entre le cadre qui prend la première navette et le même individu, mais après une journée confronté aux joies de la capitale.
MATIN :
Le brushing impeccable, l’œil vif, la queue frétillante, le jeune cadre dynamique relis attentivement son powerpoint et y fait quelques ultimes retouches. La chemise est sans un faux pli, la cravate-nœud double, la pointe sur la boucle du ceinturon – déjà serrée de prêt. Il refuse poliment la mauvaise viennoiserie en cru surgelé car ça fait grossir et boit son café noir en retardant par le hublot, l’air absorbé, en pensant a cette présentation qui va changer sa carrière, mettre ses collègues hors du coup et lui garantir Assistante Personnelle et Ferrari de fonction.
Il ne prête que peu d’attention a ceux qui finissent leur nuit en ronflant ou épluchent l’Equipe pour savoir si on a enfin trouve quelle nouvelle substance indétectable prend Chris Froom. Ceux-la, dans tous les cas, resteront Chef de Secteur GMS à vie… mais pas lui !
SOIR :
Au retour, l’allure s’en est allée avec les espoirs. La présentation vitale a été décalée/ raccourcie/ ajournée/critiquée et ces foutus liens hypertextes n’ont jamais fonctionnés. Il a été aussi leader pendant la réunion que Domenech lisant la lettre devant le bus à Knysna. La cravate en mauvaise soie thaïlandaise est fourrée dans la poche de la veste et la chemise maintenant plus chiffonnée qu’un centenaire japonais. Envolées les bonnes résolutions diététiques, il mendie un second sachet de grignotage salé et le dévore frénétiquement en s’essuyant les mains sur le siège.
S’en suit un retour bluesy ou il n’a pas envie de grand chose, à l’exception de voir la porte de la cabine s’ouvrir enfin.
L’annonce enregistrée précisant qu’il n’est pas encore autorisé à rallumer son mobile est invariablement ponctuée d’une salve fournie de whistles (un jour, c’est sûr, je tuerai pour ce sifflement ridicule annonçant l’arrivée d’un sms qui l’est encore plus) et des clics de ceinture de ceux qui, bad boys refoulés, se détachent avant l’arrêt complet de l’appareil. Tous ces accros de la pomme ou du clone coréen me font penser a Jacques Mayol refaisant surface après une longue apnée. Ah… je retrouve enfin les wassup des copines et ces émoticones qui savent si bien décrire mes états d’âme…
Pour finir, le pilote annonce doucement qu’il va falloir patienter quelques minutes, le temps que l’on ‘cherche la passerelle’. C’est vrai qu’un matériel de plusieurs dizaines de mètres de long, c’est pas si simple à localiser et ça n’est pas comme si le personnel au sol était prévenu de l’arrivée à l’heure de l’appareil… Alors, devant l’envie furieuse de sortir de l’avion, tout le monde s’est levé et se contortionne (ou se tortionne comme un c…) pour enfiler la veste chiffonnée, descendre la valise cabine et la poser sournoisement sur les chaussures du voisin. Puis on attend debout, pestant contre l’acception du terme ‘quelques’ minutes…
Une fois sortie, il restera encore l’épisode de la carte de parking démagnétisée et de l’arrivée, 17 minutes après l’appel au PC, de l’ageng deu securiteeu qui ne peut rieng faireu !
Vive la visioconférence !