« Agriculteurs : quelles clés pour réussir ? »

    0
    752

    C’est sur cette question ouverte que des personnalités du think tank de l’entreprise agricole Agridées ont pris la parole sur les conditions de réussite des projets agricoles et débattu sur le capital humain en agriculture.

    Visite de serres de salades par des enfants
    © DR

    Une fois n’est pas coutume mais cela a été fort apprécié des participants : le laboratoire d’idées Agridées s’est retrouvé, à l’occasion de son assemblée générale, dans l’emblématique Maison des vins, à Mâcon, le 8 juin dernier. Chefs d’entreprises agricoles, viticoles et alimentaires, acteurs de la réflexion académique, équipe d’Agridées au complet et invités politiques ont été conviés à débattre de ces sujets majeurs, qui rejoignent le sociétal : le renouvellement des générations en agriculture, les conditions de réussite économique et sociale des projets agricoles, le capital humain en agriculture dans un contexte de mutations fortes du secteur.

    Le président, Damien Bonduelle, a vu quatre clés de départ pour continuer à développer l’agriculture et ses métiers : tout d’abord « nourrir la population en allant vers de nouvelles offres en lien avec l’évolution des attentes sociétales », qui reste le « premier devoir des agriculteurs et implique toute l’attention des pouvoirs publics » ; « tenir compte de la diversité de nos entreprises, de leur taille, de nos terroirs » ; « s’impliquer solidairement et techniquement vers les meilleures pratiques en production » (sur ce sujet, « le train est largement en marche », a-t-il rappelé) ; et enfin, « veiller au maintien de la bonne réputation de nos entreprises », notamment trouver les meilleures façons de « cohabiter dans nos villages sans perdre notre propre identité ».

    L’enjeu de renouvellement des actifs

    L’enjeu de renouvellement des actifs devient une impérieuse nécessité. « On compte moins de 400 000 agriculteurs et 50 % des agriculteurs partent à la retraite d’ici à 2030. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas : nous ne sommes pas au pied du mur, mais dans le mur ! », a rappelé le sociologue François Purseigle, qui a détaillé les mutations à l’œuvre dans son dernier ouvrage, Une agriculture sans agriculteurs – La révolution indicible (avec Bertrand Hervieu, Éd. Les presses-Sciences Po).

    Une des solutions avancées et débattues au cours de ce dîner-débat a été l’appel à démythifier l’agriculture, « faire comprendre aux décideurs politiques que si on veut encore des chefs d’exploitation demain et de l’installation, il va falloir s’adresser à toutes les catégories d’actifs, d’autres entreprises, pour ne pas faire perdurer qu’un projet patrimonial mais aussi d’entreprise. Cette agriculture est plurielle dans sa façon de fonctionner. L’agriculture est un secteur comme un autre ».

    Monter en compétences et s’entourer

    Monter en compétences et le savoir s’entourer pour mieux décider sont également deux clés majeures. Mais point de compétences sans transformer la façon dont on forme les agriculteurs tout au long de leurs parcours. « L’enjeu est de construire une offre complète de formation continue des agriculteurs qui souhaitent s’engager dans les organisations agricoles, un socle de “compétences agro”, de les former davantage à l’approche systémique et développer une capacité de réflexion transversale », a appuyé Jacques Wéry, professeur à l’Institut Agro France qui avance en réseau (Rennes, Angers, Dijon, Montpellier…).

    « L’humain, c’est la clé de tout. J’ai accompagné des agriculteurs qui avaient des capitaux, mais ne se développaient pas. Aujourd’hui, il faut être parfait dans tous les domaines de l’entreprise pour réussir », a conforté une productrice de vin et éleveuse, installée hors cadre familial à la fin des années 2000. « L’aspect social de nos entreprises doit être mis en valeur. Certes, les gens viennent pour un salaire, mais aussi pour une façon de travailler, des valeurs, une quête de sens », a complété Geoffroy Cormorèche, dirigeant agricole et président de l’association Demain la Terre (4 500 salariés, 220 000 t de fruits et légumes autour d’un référentiel de progrès créé en 2004 par des chefs d’entreprises).

    Un plus dont peut se targuer ce collectif, dont les entreprises membres se donnent un objectif de formation continue aux salariés. « Si vous venez dans une entreprise Demain la Terre, vous serez accompagnés sur l’avenir », a insisté Geoffroy Cormorèche, qui lie durabilité avec transmissible.

    Décompartimenter pour attirer

    Tout cela sous-tend la nécessité d’attirer des talents au métier d’agriculteur. Là encore, les idées ne manquent pas : s’appuyer sur des étudiants en agriculture en tant qu’ambassadeurs pour sensibiliser d’autres jeunes, décompartimenter l’enseignement agricole par rapport à celui de l’Éducation nationale pour faire la promotion des métiers, pourvoir redonner du sens aux études agricoles.

    « Quand on amène des jeunes sur une exploitation, ils découvrent une vocation. Il est primordial de rétablir le contact avec le concret dans notre société. Cela implique un travail de pair entre l’éducation nationale et l’enseignement agricole », a appuyé Pierre Colin, viticulteur et producteur de grenades à Pinet, dans l’Hérault. Il a participé en région à une restitution de travail dans le cadre de l’élaboration de la future loi d’orientation agricole, qui repose sur trois enjeux : la transmission, le changement climatique, la formation.

    Donner la chance à des profils non issus du milieu agricole, intégrer de nouveaux entrants qui n’auront plus des carrières linéaires – et qui vont « complètement modifier les instances du monde agricole, leur apporter une valeur ajoutée nouvelle », s’est réjouit Aurélie Cheveau, présidente de la très select Union des producteurs de Pouilly-Fuissé –, cela implique aussi de changer le regard politique, sociétal et du monde agricole pour être capable de bien accueillir ce changement.

    Et in fine, en réponse à Damien Bonduelle, de jouer effectivement à la fois sur deux plans, « l’agriculture et la vie dans les territoires », pour (re)devenir attractif.

    think tank Agridées dans la maison des vins de Mâcon.
    Think tank Agridées dans la maison des vins de Mâcon. © végétable
    think tank Agridées dans la maison des vins de Mâcon.
    © végétable