Pomme de terre : panser les blessures de la crise

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    Très affectée par la fermeture de la restauration, la filière pomme de terre a été reçue mercredi 20 mai par le ministre de l’Agriculture, auquel elle a demandé une aide ciblée.

    Tout avait bien commencé pour la filière pomme de terre de consommation, amenée à gérer brutalement la très forte demande induite par le confinement pour une denrée relativement conservable, synonyme de satiété et de diversité culinaire. Or, orchestrée par son interprofession, le CNIPT, cette filière a su maintenir des prix accessibles. Et les packers ont su faire face à une demande massive tout en composant avec la défection d’une partie du personnel et en instaurant les gestes barrières pour sécuriser les collaborateurs. Mais, dans le même temps, la filière industrie a connu des difficultés majeures en raison de l’interruption brutale des activités de la restauration. Ce qui a concerné aussi bien le marché intérieur, relevant du GIPT, que l’exportation, relevant, elle, du CNIPT. Devant un risque de pertes de produits, il a été tentant, pour certains opérateurs, de dévier vers le marché du frais une partie des pommes de terre destinées à l’industrie. Celles-ci ont été commercialisées soit via les GMS soit directement dans les cours de fermes.

    Mais l’arrivée brutale de ces produits, le plus souvent de catégorie II, négociés à des prix nettement inférieurs, a déstabilisé le marché et instillé le doute chez le consommateur, déçu par la moindre qualité de produits qui n’étaient pas initialement conçus pour la vente en frais. Les achats directs en cours de fermes ont pu donner lieu à de fortes déceptions des acquéreurs, alors que les produits vendus en GMS étaient plus normalisés. Le CNIPT estime les volumes ainsi distribués en GMS dans une fourchette de 15 000 à 20 000 tonnes, probablement beaucoup plus dans les cours de fermes. « Nous avons eu à affronter une désorganisation complète du marché durant deux semaines », déplore Florence Rossillion, directrice du CNIPT. « C’est d’autant plus regrettable que les opérateurs qui ont réalisé ces transactions ont agi de bonne foi, en pensant dépanner. » Du coup, il y a eu inévitablement des tensions humaines qui risquent de laisser quelques traces, au moins à court terme, ce qui est toujours dommage.

    Alors qu’elle avait bien débuté, la campagne primeurs a été, elle aussi, momentanément déstabilisée, la différence de prix entre ses produits hauts de gamme et les premiers prix issus de l’industrie n’étant pas comprise du consommateur. Quant à la requête auprès du ministre, celui-ci ne s’est absolument pas engagé, renvoyant cette possibilité du côté de Bruxelles… Florence Rossillion s’inquiète également des perspectives de la prochaine campagne, avec des emblavements encore en hausse, la pomme de terre ayant assuré globalement un revenu correct au cours des deux dernières campagnes. « Les industriels vont moins contracter, les volumes disponibles en libre seront plus importants : nous invitons les producteurs qui ne maîtrisent pas leur aval à limiter leurs emblavements aux volumes pour lesquels le débouché est assuré. » Selon elle, au final, certes la filière pomme de terre vendues en frais semble moins affectée par la crise que d’autres secteurs économiques, mais, localement, certaines entreprises très orientées vers la restauration, déjà affectées par les gilets jaunes puis par la crise Lubrizol, peuvent se retrouver en grande difficulté, pour des raisons qui ne relèvent pas directement de leur stratégie.

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