Plastiques dans les sols : un monde d’incertitudes

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    La présence de plastiques dans l’eau, notamment de mer, a suscité une prise de conscience planétaire et sensiblement infléchi notre regard sur ces matériaux si populaires dans notre société de consommation. Mais les plastiques se retrouvent aussi en fragments dans le sol…

    La révélation de la présence des plastiques, de « continents de plastique » dans l’eau de mer a suscité une émotion planétaire qui a amené les scientifiques à étudier de manière de plus en plus approfondie les différents impacts de leur présence dans l’eau. Ils ont mis en évidence de manière spectaculaire leurs conséquences souvent dramatiques, sur le système digestif des nombreux animaux marins, tortues, dauphins, qui les ingèrent. Le problème n’est pas résolu, mais il est bien identifié et posé. Il n’en est pas de même de la présence globale des micro et nanoparticules de plastique dans les sols. Ces particules, de nature, de forme et de taille très diverses, sont véhiculées partout, sur tous les continents, dans les zones anthropisées ou non, principalement par l’air. Ce qui veut dire au passage que nos alvéoles pulmonaires en contractent de plus en plus régulièrement, induisant potentiellement des lésions comparables à celles générée par l’amiante. « On n’a pas vraiment étudié le sujet des plastiques dans le sol », concède Marc-André Selosse, professeur de microbiologie au Muséum national d’histoire naturelle. « On a quelques résultats, mais pas de tableau d’ensemble. Il n’y a pas encore d’organismes qui procèdent à leur dégradation, même s’il y a là une niche écologique à occuper dans l’écosystème et si, au laboratoire, on trouve des champignons qui en sont capables. Du coup, le plastique se fragmente sans disparaître, en morceaux de plus en plus en petits et… nombreux. La présence, la dégradation des particules de plastique peuvent induire une toxicité chimique, mais cela dépend de la nature du matériau. Sur le plan physique, l’impact sur le fonctionnement du sol dépend de la forme et de la taille des particules. Il peut y avoir un effet positif sur la circulation de l’air et de l’eau, notamment avec les particules allongées, au risque que le sol se dessèche plus vite et soit plus sensible à l’érosion par perte de cohésion ».

    Ne négligeons pas le fait qu’une partie des plastiques du sol va se retrouver dans la chaîne alimentaire et contribuer à l’équivalent d’une « carte bancaire » de plastique ingérée à notre insu chaque semaine ! Bref, tout n’est pas mauvais, tout n’est pas bon, le problème majeur étant que, « une fois que c’est dans le sol, on ne peut plus le retirer », déplore Marc-André Selosse. Or on a désormais affaire à une pollution globale, incontournable, dont il serait urgent de prendre la mesure et d’évaluer les conséquences de manière plus fine, sachant que les sols sont des milieux infiniment complexes en eux-mêmes et qu’il va falloir croiser cette complexité par celle des différentes natures, tailles et formes de micro et nanoplastiques. « Il ne faut pas être alarmiste, mais inquiet, et bien intégrer le fait que cette pollution se rajoute à la série de risques sanitaires induits par une exposition chronique et généralisée à un ensemble de polluants. J’estime que cette situation interroge encore davantage la question de l’usage du plastique, très souvent liée au transport à grande distance, ce qui en creux constitue une invitation supplémentaire à privilégier les filières locales », analyse le scientifique.

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