Les 4 typologies de la conscience environnementale

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    Le chercheur Philippe Coulangeon a été auditionné au Sénat, le 30 mars, sur ses travaux consacrés à la conversion écologique des Français, pointant clivages et contradictions.

    L’audition n’était pas banale en ce 30 mars 2023 aux affaires prospectives du Sénat, l’étude « La conversion écologique des Français » datant de 2017… mais parue aux PUF (Presses universitaires de France) en 2023, dans un ouvrage qui en tire analyses et conclusions. Entretemps, le pays a connu la crise Covid, des épisodes climatiques difficiles, la guerre en Ukraine entraînant une inflation dans son sillon… et de nouvelles tensions. D’où l’appel des auditeurs à une seconde étude six ans après cette première enquête. Pour autant, le panel internet Elipss utilisé dans cette étude « est un outil intéressant », selon son rapporteur Philippe Coulangeon, directeur de recherches au CNRS : composé d’environ 3 000 personnes, sélectionnées aléatoirement et représentatives de la population française. On relève en synthèse que la conscience environnementale est réelle, bien présente, dans les foyers français, « quels que soient les âges, les catégories socioprofessionnelles et les orientations politiques ». Mais elle a un double visage, étant corrélée fortement avec une défiance envers le progrès. Celle-ci est croissante selon les facteurs sociaux, le niveau d’éducation. « Plus les gens sont diplômés, plus ils sont septiques à l’égard de surmonter les défis environnementaux par le progrès technique », pointe Philippe Coulangeon.

    Philippe Coulangeon. © DR

    L’analyse factorielle multiple utilisée ici pour repérer les critères de différenciation entre les individus met en évidence trois grands axes ou clivages : frugalité, orientation environnementale, ancrage local de la consommation. Ils permettent d’en dégager quatre typologies empiriques en croisant les attitudes et les pratiques. La première catégorie est celle du « consumérisme assumé » : des ménages plutôt aisés, urbains ou périurbains, qui n’ont pas d’attention particulière et ont des dépenses élevées, notamment énergétiques. La deuxième est celle de « l’éco-consumérisme » : composée d’individus manifestant une assez forte attention environnementale, regardant par exemple la provenance des produits, mais qui consomment et dépensent beaucoup. La troisième catégorie est « l’éco-cosmopolitisme », par une sorte d’élite urbaine et diplômée, peu représentative mais influente, préoccupée par l’environnement mais qui « ruine tous ses efforts » par de nombreux voyages en avion notamment. Enfin, la dernière catégorie est celle de « la frugalité sans intention » : très forte sobriété sans conscience environnementale, contrainte essentiellement à cause du budget. En somme, une seule catégorie sur quatre rentre dans un schéma de sobriété, mais sans conscience ni envie !

    Cette répartition permettra peut-être d’identifier des leviers d’actions possibles, notamment sur le plan politique. En attendant, de réaliser des arbitrages : « Sur la dernière catégorie “frugalité sans intention”, tout le discours orienté vers la sensibilisation aux enjeux environnementaux n’a pas grand intérêt. La taxe carbone, quant à elle, pourrait impacter ceux qui consomment le plus. De même, en décortiquant les profils, il n’est pas si clair que les jeunes soient plus éco-orientés que leurs aînés. La question de l’obsolescence des équipements digitaux, par exemple, est inquiétante », souligne le chercheur. En d’autres termes, la diversité des profils appelle à la diversité des mécanismes d’actions. Il apparaît aussi que les appartenances politiques des citoyens n’ont plus beaucoup d’influence sur leurs comportements.