Europe : bonnes intentions et déceptions

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    La Commission a approuvé le 20 mai dernier ses stratégies « biodiversité » et  F2F, « Farm to fork » (ou de la fourche à la fourchette). Premières impressions à chaud en direct de Bruxelles.

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    Une image vaut mieux que mille paroles. Observez bien la photo de la conférence de presse de la Commission, qui a eu lieu immédiatement à la fin de la réunion, et cherchez où se trouve le commissaire à l’Agriculture. Jouez à « Où est Charlie ? » : vous ne le trouverez pas. Bien que l’agriculture ait concerné 90 % de la conférence de presse, le Commissaire est toujours confiné en Pologne et n’a pas pu (ou voulu) revenir sur Bruxelles.

    Cependant, le discours de la Commission se veut rassurant : « Les deux stratégies se renforcent mutuellement et tissent les liens entre nature, agriculteurs, entreprises et consommateurs pour construire conjointement un avenir compétitivement durable. » Qui pourrait émettre des objections à un tel avenir ? La nouvelle stratégie en faveur de la biodiversité touche aux facteurs de l’appauvrissement de la biodiversité, tels que l’utilisation non durable des terres et des mers, la surexploitation des ressources naturelles, la pollution et les espèces exotiques envahissantes. Adoptée en pleine pandémie de Covid-19, la stratégie constitue un élément central de son plan de relance verte. « Farm to fork » veut promouvoir une transition vers un système alimentaire durable de l’UE, garantissant la sécurité alimentaire et l’accès à des régimes alimentaires « sains issus d’une planète en bonne santé ». De nouveau, qui pourrait s’y opposer ? Où se trouverait le problème ? Cherchons le diable dans les détails puisque nous n’avons pas pu trouver le Commissaire.

    L’Union européenne se fixe des objectifs ambitieux, à la hauteur de ceux qu’elle propose dans les enceintes internationales. Pour ne prendre que deux exemples : l’utilisation de pesticides chimiques devrait diminuer de 50 % d’ici 2030 et l’agriculture biologique devrait couvrir  25 % des terres agricoles. En 2018, cette agriculture couvrait 13,4 millions d’hectares, soit 7,5 % de la surface agricole. Une augmentation spectaculaire depuis les 9 millions d’hectares de 2010 ou même les 11,1 millions d’hectares de 2015. En neuf ans, la hausse a été de presque 50 %, un excellent résultat. Et on vise maintenant un bond de 233 % entre 2018 et 2030 !

    La stratégie « F2F » ne contient pas de chiffres précis et est plutôt un catalogue de propositions à venir et de bonnes intentions. On y parle, entre autres, d’accompagner les efforts nécessaires que devront faire les producteurs agricoles et les éleveurs, de promouvoir la lutte intégrée et de réduire les émissions de gaz à effet de serres, en particulier de l’élevage. Avec quels moyens ? Ceux de la Pac, bien entendu. Un des documents qui accompagnent les propositions lui est consacré. À tout seigneur tout honneur. Les Plans stratégiques nationaux que les États membres doivent élaborer et faire approuver par Bruxelles doivent être le bras armé agricole de la transition alimentaire et écologique. Et c’est là que les grincements de dents commencent, car la Commission propose à la fois une hausse sensible des ambitions et une diminution, aussi sensible, du budget. Faire beaucoup plus avec moins : on peut comprendre les déceptions et craintes du monde agricole.

    Un dernier point positif quand même, après toutes ces interrogations. La Commission veut  mettre au cœur de sa politique commerciale d’obtenir des engagements de la part de ses partenaires commerciaux sur des sujets aussi importants que le bien-être animal, l’utilisation des pesticides et la lutte contre les résistances antimicrobiennes.