Pac : vers un respect des règles sociales nationales

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    La conditionnalité sociale des aides est revenue sur la table des négociations.

    Il semble que les hectares de fruits et légumes devraient rentrer dans le système des aides à l’hectare. Ils pourront alors bénéficier des écorégimes, la grande nouveauté annoncée de la Pac. Et, juste en ce moment, la conditionnalité sociale des aides Pac revient dans la discussion.

    Un peu d’histoire, car ce n’est pas la première fois que cela arrive : quand la Commission a fait sa proposition de « révision à mi-parcours », devenue ensuite la réforme Fischler en 2003 et 2004, elle a proposé le découplage des aides de la production et l’introduction d’une conditionnalité. À côté d’exigences environnementales, en plus de la prise en compte (entre autres) du bien-être des animaux, elle a choisi d’introduire le respect des conditions d’hygiène et de sécurité pour les travailleurs agricoles… mais cette demande a été rejetée par le Conseil ! En 2020, le Parlement européen a inclus cette exigence dans sa négociation sur la prochaine Pac. Sans aucun doute, la crise de la Covid, les scandales qui ont éclaté dans plusieurs États membres sur les conditions de travail de la main d’œuvre agricole et la dépendance d’une grande partie de notre agriculture, en premier lieu les fruits et légumes, des travailleurs étrangers, ont sensibilisé les honorables parlementaires.  

    Le sujet a donc été donc posé sur la table des « trilogues », les discussions entre le Conseil (qui représente les États membres) et le Parlement européen pour arriver à un accord final, en présence de la Commission qui essaye d’être à la fois un facilitateur et un gardien de l’essentiel de ses propositions. On ne donnait pas forcément cher du résultat final. Mais la publication d’une lettre ouverte peut avoir changé la donne. Elle est soutenue par 52 organisations européennes (dont les syndicats de travailleurs, les écologistes, Oxfam et Caritas, Eurocoop ou Slowfood), plus de 100 organisations nationales et une longue liste de « personnalités » du monde académique.

    La présidence portugaise du Conseil a pris le sujet très au sérieux avec, le 3 février dernier, un document d’option sur la conditionnalité sociale qui va au-delà de ce que l’on pouvait espérer. L’idée initiale est d’obliger les employeurs au respect des règles sociales nationales en vigueur dans chaque État membre. Vu les résistances observées dans le passé à un cadre social européen, on n’y croyait plus. Et pourtant, c’est ce que le Portugal a proposé en suivant une approche parallèle à celle suivie dans les autres volets de la conditionnalité, le respect des directives européennes y compris la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le sujet est loin d’être gagné même si, point positif du Brexit, le départ du Royaume-Uni facilite le processus.

    Nul besoin d’insister ici sur l’importance de conditions de concurrence plus loyales, en ce qui concerne le coût de la main d’œuvre, pour le secteur des fruits et légumes en général et pour les producteurs français en particulier. Un produit digne doit recevoir un prix digne et avoir été produit dans des conditions aussi dignes.

    © DR