La place des pommes de terre chez les Millennials

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    Le CNIPT avait choisi pour thème « Génération Insta-food : où sont les pommes de terre ? » pour son assemblée générale, le 7 janvier à Paris.

    AG CNIPT
    Richard Delerins, à droite. © végétable

    Richard Delerins, notamment anthropologue, chercheur et cofondateur de Food 2.0 Lab, a su captiver son auditoire lors de la réunion annuelle de l’interprofession de la pomme de terre. Le CNIPT avait choisi pour thème « Génération Insta-food : où sont les pommes de terre ? » pour son assemblée générale, le 7 janvier à Paris.

    « Les Millennials, nés entre 1982 et 2000, sont la génération la plus nombreuse ayant jamais vécu sur Terre. Depuis deux ans, ils représentent plus de la moitié de la population active dans la plupart des pays développés. Ils sont les consommateurs d’aujourd’hui et surtout de demain. Leurs habitudes, leurs valeurs, leurs goûts sont déterminants pour comprendre les nouvelles dynamiques de consommation. Ils sont aussi la première génération à avoir plus de valeurs intra qu’intergénérationnelles. Autrement dit, ils sont plus les enfants de leur temps que ceux de leurs parents. »

    Il souligne également que cette génération est la plus mixée d’un point de vue génétique, ethnique, culturel et linguistique. « Ces brassages humains, présents dans tous les pays du monde, sont extrêmement importants pour comprendre la redistribution des valeurs et de leurs rapports à eux-mêmes. » Elle est aussi la première génération qui a accès à son ADN, constate sa propre diversité et se libère du genre. Après avoir inventé le selfie, elle prend en photo ou vidéo tout ce qu’elle mange (appelé Foodporn) ou a acheté au supermarché (Grocery Haul).

    Une dimension émotionnelle dans l’acte alimentaire

    Quels sont alors les conséquences de ces caractéristiques sur les comportements alimentaires ? Selon Richard Delerins, elles sont au nombre de quatre. L’individuation, le fait d’exister en tant qu’individu, dans les pratiques alimentaires recompose la commensalité, l’acte de manger ensemble, de partager la même table : « Manger seul, même au restaurant, voire en ligne, est de plus en plus courant. »

    Le caractère intragénérationnel de diffusion des comportements alimentaires n’est plus uniquement déterminé par ce qui se produit en France : « Le poke bowl venu d’Hawaï a envahi la planète en trois ans. » Les modes de culinarisation sont différents : alors que la cuisine à la française, qui valorise le raffinement et la complexité, s’effectue par le feu et la transformation des aliments, la version anglosaxonne, qui se retrouve dans de nombreux pays du monde, préfère la simplicité, la naturalité par une version rapide d’assemblage de produits.

    Enfin, la dimension émotionnelle dans l’acte alimentaire est de plus en plus forte et se traduit par une utilisation importante d’émoticônes et emojis dans leurs communications et jusque dans les menus des chefs.« Aujourd’hui, la pomme de terre est prise dans un univers extrêmement complexe. Il vous faut alors trouver d’où vient l’innovation parmi 16 espaces définis tels que la Gastro Street Food, les marques, l’environnement, les publications scientifiques, la Pop culture… » Richard Delerins suggère ainsi de « décommoditiser » la pomme de terre afin de la vendre, par exemple, sous une marque, ou encore de l’aligner avec des pratiques d’individuation des comportements pour séduire les Millennials.