Regard d’expert commerce international : la Pologne (1/2)

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    2023

    Conjonctures problématiques pour la production polonaise

    Les prospections internationales récentes, en révélant les contraintes de l’exportation, finissent par déboucher sur des performances commerciales visibles. 

    © Chrupka

    En Pologne, la pénurie des précipitations au printemps et à l’été 2018 a entraîné une réduction inhabituelle des récoltes légumières de plein champ, à 4 175 000 t (- 9 %/2017), alors que celles des légumes sous abri a progressé de 4 %, à 1 170 000 t. En production fruitière, l’année 2018 restera dans les annales de la production polonaise avec un record de près de 5 Mt, avec des hausses particulièrement remarquées en pommes (à 3,9 Mt, soit + 60 % par rapport à l’année atypique 2017, en raison des gels de printemps) et un retour à des récoltes très élevées également en griottes (+ 179 %) et en cerises douces (+ 205 %). Les secteurs de la transformation industrielle ont capté 52 % des récoltes de fruits en 2018 (contre 48 % l’année précédente) et 46 % en légumes. Les industriels ont enregistré des activités liées parallèlement aux évolutions en dents de scie des niveaux de récoltes. Ainsi la production de conserves de fruits est-elle passée de 885 000 t en 2017 à près de 1 225 000 t en 2018, celle des fruits congelés ou surgelés à 490 000 t (+ 26 %), celle des concentrés de jus de pommes à 370 000 t (un doublement), celle des jus de fruits (jus de pommes NFC*) à 55 000 t (+ 70 %), auxquelles il faut ajouter celle de l’industrie des boissons et nectars de F&L divers à 2 Mt (+ 10 %). A contrario, les productions de conserves de légumes et de légumes surgelés ont baissé de respectivement 4 % et 5 % (à 1,31 Mt et 700 000 t).

    Une  valorisation très décevante

    Les niveaux de récoltes fruitières élevés ont entraîné la chute drastique des prix de presque toutes les espèces, par rapport à ceux de l’année précédente. Les baisses les plus significatives ont été notées en prunes, griottes et groseilles à maquereau. Le prix d’achat (production) des pommes destinées au marché du frais a été de 60 % inférieur à celui de la campagne précédente et celui des pommes d’industrie a été divisé par 3,5. Les productions de la plupart des fruits de la récolte 2018 n’ont pas été rentables (voir prochain magazine de juillet). A l’inverse et aussi logiquement, la valorisation de presque toutes les espèces légumières de plein champ a été plus soutenue (et particulièrement celle des oignons, choux et légumes racines), alors que celle des tomates et des concombres sous abri peinait à atteindre le niveau de la campagne précédente.

    Le retour en 2018/2019 à un niveau très élevé de la production polonaise de fruits intervient dans une conjoncture internationale différente des campagnes similaires antécédentes (2016 par exemple). Dans la présente campagne, tous les indicateurs concurrentiels sont défavorables à une valorisation décente des fruits polonais. La lenteur des restructurations variétales (insuffisamment volontaristes dans le verger « pommes »), les effets indirects induits par la fermeture récente des importations russes des F&L en provenance du Belarus, du Kazakhstan (et de certains autres écrans commerciaux à l’embargo) appliquent une pression supplémentaire sur les offres polonaises. Néanmoins, cette conjoncture aura fait prendre conscience, aux exportateurs polonais les plus exposés, de l’urgence des mesures à prendre pour gérer une crise de cette nature, autrement qu’à brader les produits pour tirer quelques zlotys supplémentaires par rapport aux prix industriels particulièrement indécents, ou qu’à fragiliser sciemment les débouchés de leurs principaux concurrents européens avec la complicité d’opportunistes soldeurs.

    Un commerce extérieur actif

    Les exportations 2018 de fruits ont été très marquées encore par les manquements quantitatifs des récoltes de la campagne 2017/2018 (- 223 000 t/2017), mais par une valorisation moyenne « produits » de 17 % supérieure à celle de 2017. Les baisses les plus significatives des ventes de fruits ont été notées à destination du Belarus (- 52 % entre 2017 et 2018), qui reste malgré tout le 1er débouché extérieur, du Kazakhstan (- 25 %), de l’Ukraine (- 47 %), de la Lituanie (- 18 %), tous remarqués comme transitaires actifs dans les flux des importations russes. Le début de la récolte 2018/2019 a significativement relancé les ventes extérieures, avec des tonnages mensuels, en particulier de pommes (et poires), compris entre 75 000 t et 100 000 t depuis octobre 2018, mais à des prix (d’achats pour l’export) ridiculement bas (pommes : 0,66 PLN/kg en mars 2019, contre 1,79 PLN/kg en mars 2018).

    En 2018, les débouchés (outre les reculs signalés précédemment) sont restés marqués par les pays d’Europe Centrale, proches (Roumanie, République Tchèque, Hongrie, Slovaquie) et les pays scandinaves (Suède, Finlande, Danemark), mais le cercle s’élargit toujours davantage aux pays de l’UE occidentale : Allemagne (123 200 t, + 3% par rapport à 2017), 2e client derrière le Belarus, les Pays-Bas (46 750 t, +5 2%), l’Espagne (21 600 t, + 133 %), le Royaume-Uni (17 200 t, + 1 %), la Belgique (16 350 t, + 158 %), la France (15 400 t, + 477 %), l’Italie (10 750 t, + 29 %)… Sans compter quelques capteurs intéressants et plus récents, tels que l’Egypte (65 300 t, + 245 % en un an), la Mongolie (5 400 t, + 25 %), les Emirats Arabes Unis (3 400t, + 24 %), l’Arabie Saoudite (2 200 t, + 59 %) ou la Chine (800 t, 1re année).

    En légumes, les exportations n’ont que très légèrement progressé en 2018 (+ 1 %/2017, à 739 127 t), avec cependant une hausse en valeur (+ 6%, à 674 M€). Les légumes autres (pos.07.09) ont constitué 42 % des tonnages exportés, les légumes bulbes 22 %, les choux 13 %, les tomates 12 %, les légumes racines 6 %, les concombres et cornichons 3 %, les salades 2 % avec un débouché presqu’exclusivement européen. L’Allemagne avec 128 500 t (+ 20 %/2017), le Royaume-Uni avec 112 500 t (+ 15 %), les Pays-Bas avec 59 650 t (+ 8 %), la République Tchèque avec 59 400 t (égalité), le Belarus avec 55 300 t (- 37 %) et la France avec 45 400 t (+ 34 %) ont constitué 62 % du débouché légumier total en 2018. La conjoncture internationale a été particulièrement favorable aux ventes polonaises en matière d’oignons, de concombres, de salades et de poivrons.

    Pour couvrir ses besoins, la Pologne reste également l’un des grands pays importateurs européens, en tout cas le 1er pays importateur d’Europe Centrale, avec ses 38,5 millions de consommateurs, toujours plus exigeants. Les achats extérieurs 2018* ont totalisé 1 623 427t (1 565 M€) en fruits frais, et 598 983 t (618 M€) en légumes frais. En fruits, outre les bananes, agrumes et autres fruits tropicaux et exotiques, les achats extérieurs de fruits tempérés sont originaires non seulement d’Europe, mais aussi et surtout de pays de l’hémisphère sud, en contre-saison (raisins, petits fruits, kiwis, fruits à noyau, etc.), transitant essentiellement par les ports néerlandais ou belges. En légumes, l’Espagne (202 300 t, + 9 %/2017), les Pays-Bas (148 900 t, + 9 %), l’Allemagne (68 600 t, – 3 %), l’Italie (48 400 t, – 9 %) et la France (31 000 t, + 21 %) ont contribué pour 84 % aux importations légumières polonaises 2018. Les achats concernent les tomates (33 % des valeurs importées), les légumes autres (28 %, pos.07.09), les concombres et cornichons (10 %), les salades (10 %), les choux (7 %), les légumes racines (7 %) et les légumes bulbes (6 %).

    * NFC : not from concentrate, directs

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    Production

    Élaboration Raymond Diener, d’après Ierigz

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    Zoom

    La Pologne est le 1er producteur européen de petits fruits et baies, avec des récoltes avoisinant 600 000 t, réalisées par quelque 300 000 petits producteurs, réparties principalement sur 3 bassins (Lublin, Mazovie et Lodz) pour 70 % de la production totale. La région de Lublin récolte à elle seule près de 80 % de la production de framboises, 50 % de celle de cassis et 28 % de celle de fraises. Avec une commercialisation très partielle en frais, presqu’exclusivement sur le marché local (très peu d’exportation en fruits frais). L’industrie de transformation est la destination principale des petits fruits (surgelés, confitures, préparations à base de fruits…).

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    en bref

    Superficie : 312 679 km²

    Population : 38,5 millions d’habitants

    Régime politique : république

    PIB : 512 Md€

    Taux de croissance 2018 : + 5,1 %

    PIB/habitant : 13 300 €

    Monnaie : Zloty (PLN)

    Change 1 EUR : 4,2760 PLN (mai 2018)

    Taux d’inflation annuel : 2,0 % (mai 2019)

    Taux de chômage : 5,2 % (avril 2019)

    Exportations de biens : 221,0 Md€

    Importations de biens : 226,1 Md€

    Solde global : – 5,1 Md€

    Exportations de F&L frais : 1,273 Md€

    Importations de F&L frais : 2,183 Md€

    Solde de F&L frais : – 0,901 Md€

    (Chiffres de 2018)

    © végétable – Raymond Diener
    © végétable – Raymond Diener